fermeture annoncée du site PSA de Moissy : Michel Billout et Charlotte Blandiot Faride, conseillère régionale, interviennent auprès du ministre de l’industrie

Publié le 20 avril 2010 à 14:25 Mise à jour le 8 avril 2015

Monsieur le Ministre,

Début avril, pour la première fois dans l’histoire du groupe automobile, PSA a annoncé sèchement la fermeture d’un de ses sites en activité en France, celui de Melun Sénart, situé dans notre département.

Dans le contexte actuel d’atomisation sociale, la brutalité de l’annonce faite par l’un des fleurons industriels nationaux, dépasse de loin le simple symbole.

Il y a encore 18 mois, près de 1000 salariés travaillaient sur ce site.

Aujourd’hui, après une politique active de « départs volontaires », près de quatre cents salariés restent concernés par cette liquidation. Au printemps dernier, la direction du centre avait anticipé cette fermeture, tout en assurrant qu’elle n’aurait pas lieu, en annonçant le transfert des clients du site Seine et Marnais dans le sud-ouest de la France pour les recentrer à Vesoul en Haute Saône.

Le 30 septembre 2009, la Direction du site a soumis aux salariés une feuille de route leur indiquant une baisse d’activité estimée à 60 % voire 70 %.
A l’époque, le préfet de Seine et marne avait été alerté par les salariés sur les dangers qui pesaient sur l’avenir de ce site. Nous aimerions savoir quelles actions ont été menées par l’Etat, depuis cette date, pour éviter la perte de 1 000 emplois en Seine-et-Marne ?

Cette décision est d’autant moins comprise que l’Etat a consenti de nombreux efforts pour soutenir le secteur automobile :

 Suppression de la taxe professionnelle,
 3 milliards de prêts au profit de PSA,
 Prime à la casse

Des mesures qui avaient contraint le constructeur à s’engager à ne fermer aucun site en France pendant la durée du prêt, soient cinq années.

On apprend aujourd’hui que cet engagement ne comprenait que les sites de production. Va-t-on apprendre, dans les prochains mois, que d’autres dérogations sont ainsi prévues ? Si PSA rembourse plus rapidement son emprunt, l’Etat fermera-t-il les yeux sur d’autres fermetures de sites ?

En novembre 2009, le président du directoire du groupe déclarait qu’il n’y aurait « aucun projet de plan de restructuration ni de nouveau plan de départs chez PSA ». Peut-on prendre au sérieux la direction de Peugeot dans un tel contexte ?

Nous avons pris note de la position du gouvernement sur ce dossier par la voie de votre collègue Luc Chatel qui a déclaré que l’annonce de Peugeot ne « contrevenait pas au plan de soutien à l’automobile » financé par l’État, puisqu’elle ne prévoit « aucun licenciement » et ne visait pas un « site de production ».

Des questions restent néanmoins sans réponse :

Comment compenser la perte des 1 000 emplois qui existaient sur ce site, qui ne pourront être occupés par les générations suivantes ? Sur les annulations de contrats d’intérims, sur les centaines de départs volontaires enregistrées depuis l’année dernière, combien d’hommes et de femmes sont réellement en activité aujourd’hui ?

Certes, nous entendons des échos de plan de revitalisation sur ce site, mais avec une redistribution d’emplois en provenance d’autres territoires qui ne comblent en rien la destruction nette de postes de salariés et d’autres secteurs d’activités.

La situation de l’emploi en Seine et Marne aurait mérité un autre traitement.
En un an, le taux de chômage seine et marnais a augmenté de plus de 15%, la frange Est du département étant la plus durement touchée (secteurs de Montereau Fault Yonne, Provins, Nemours, Coulommiers et Meaux).
Plus de 5000 emplois ont ainsi été perdus par licenciements économiques ou ruptures conventionnelles. Les 600 000 heures de chômage partiel indemnisées en 2009 représentent quant à elles 2000 emplois perdus.

Ce sont donc 66 000 seine et marnais qui se retrouvent au chômage, 17% d’entre eux ont plus de 50 ans et 16 % moins de 25 ans.

Dans ce contexte, la fermeture du site de Peugeot d’ici 2012 est vécue comme une véritable provocation contre laquelle les salariés avancent des arguments qui auraient mérités d’entre entendus :

Ce site est rentable avec une hausse de vente depuis la crise. Il est stratégiquement mieux situé qu’à Vesoul, du fait de la quantité d’équipementiers présents sur la région Ile de France. Des investissements liés au système informatique SAP y ont été réalisés, l’acquis professionnel en livraison rapide de ce site est incontestable et reconnu.

Enfin, la question environnementale est au cœur de cette fermeture : avec une délocalisation sur Vezoul, ce sont des centaines de camions supplémentaires sur les routes et un bilan carbone désastreux.

Au-delà du site de Melun, cette fermeture de site pose de réelles question sur l’avenir de l’industrie automobile en Ile-de-France. Notre région a déjà perdu, entre 2004 et 2008, 5500 postes dans la filière automobile francilienne (Chiffres IAU ile-de -France), les ¾ au sein des équipementiers et ¼ chez les constructeurs. Une nouvelle inquiétante lorsqu’on sait que la relation entre constructeurs et équipementiers fait d’ailleurs l’objet d’une mutation décisive depuis une quinzaine d’’années : le rôle des équipementiers dans la production de véhicules a été renforcé, de sorte qu’ils réalisent désormais 75 % de la valeur ajoutée.
Or, selon un rapport du Sénat sur les défis du secteur automobile daté de 2007, « en 2015, les équipementiers chinois et indiens pourraient, si les évolutions en terme de volume, de qualité et de gamme de produits se confirmaient, être en mesure de proposer une offre de qualité de gamme de produits se confirmaient, être en mesure de proposer une offre compétitive pour 40% des équipements d’un véhicule produit en Europe occidentale ».

Il y a donc urgence à agir pour défendre les emplois existants et le savoir faire de ses salariés dans cette filière fortement menacée. Dans ce contexte, nous vous demandons d’intervenir dans ce dossier pour obtenir un moratoire sur la fermeture de ce site. Nous soutenons la demande des syndicats de la nomination d’un expert au CCE, tout comme l’engagement d’une procédure d’alerte, sachant que l’avenir des sites de Rennes et Sevelnor semblent également incertains.

Ces mesures semblent au minimum justifiées par le contexte de l’entreprise : les études de l’ACEA (Association de Constructeurs Européen d’Automobiles) et du CCFA (Comité des Constructeurs Français d’Automobiles) démontrent que pour 2009, PSA maintient sa production de véhicule en Europe (par rapport à 2008) et les développe en France sur la même période passant de 633 000 à 717 000 véhicules vendus. Dans ce contexte la décision de fermeture du site de Sénart n’apparaît pas fondée.

Vous remerciant de l’intérêt que vous ne manquerez pas de porter à ce dossier, nous vous prions de croire, monsieur le Ministre, en l’expression de notre haute considération.

Michel Billout

Ancien sénateur de Seine-et-Marne
Voir le site Contacter par E-mail Suivre sur Facebook

Ses autres interventions :

Sur le même sujet :

Emploi, salaires et retraites