Situation de l’emploi en Seine et Marne : Michel Billout répond à la lettre ouverte des syndicats du département

Publié le 17 mai 2010 à 17:21 Mise à jour le 8 avril 2015

Le 15 avril 2010, les responsables départementaux de la CGT, CFDT et FSU du département se sont adressés aux députés, sénateurs et conseillers régionaux de seine et marne dans une lettre ouverte consacrée à la situation de l’emploi en Seine et Marne. (lettre téléchargeable ci-dessous).

Voici la réponse de Michel Billout envoyée nominativement aux trois représentants syndicaux, le 17 mai 2010 :

"Madame la secrétaire générale,

C’est avec un grand intérêt que j’ai pris connaissance de votre lettre ouverte du 21 avril dernier, co-signée par vos collègues de la FSU 77 et de la CFDT 77.

Je partage tout à fait votre analyse de la situation de l’emploi en Seine-et-Marne et suis particulièrement attentif depuis plusieurs mois aux entreprises citées dans ce courrier (Brodard graphique, PSA Moissy) pour être intervenus personnellement auprès du gouvernement (copies jointes à ce courrier).

Sur la défense des services publics, je ne peux que partager votre constat quand aux conséquences de la baisse de moyens qui leur sont attribués, conséquence d’une volonté gouvernementale de privatiser bon nombre de ces services, conformément au traité de Lisbonne qui organise leur disparition à plus ou moins long terme.

Ce sujet est fondamental à mes yeux comme à ceux de mes collègues du groupe CRC-SPG : la défense de nos services publics détermine tous nos votes ! Cette volonté de les préserver de la dérégulation nous a fait voter contre le traité de Lisbonne. Nous étions les seuls à dénoncer les dangers que ce traité libéral faisait peser sur les services publics. Hélas, nous avions raison car ce texte considère que presque toutes les activités humaines sont économiques, donc soumises à la sacro-sainte libre concurrence. La directive « Services » est de la même veine : face au principe de libre concurrence, elle ne pose que de fragiles exceptions qui peuvent être levées au nom du marché.

Dans la fonction publique territoriale, dans la fonction publique d’Etat, à l’Hôpital, partout où il le peut, le gouvernement cède au privé, et plus particulièrement à quelques grosses entreprises multinationales, les parties du service public les plus lucratives. Et c’est là son seul but, tous les arguments développés autour de ces réformes pour légitimer cette grande braderie ne tiennent pas debout face à la réalité des faits : faillite des services publics rendus inefficaces, diminution des recettes, développement du chômage et précarité accrue de l’emploi.

Aujourd’hui, la CAF de Seine-et-Marne, proche de l’implosion, comme la plupart des CAF des autres départements, n’est ainsi plus en mesure d’honorer ses engagements en matière de qualité de services. La situation est d’autant plus grave que la CAF devrait faire face dès 2010 à de nouvelles charges : trimestrialisation du traitement des ressources des bénéficiaires de l’allocation aux adultes handicapés, mise en place des commissions départementales de coordination des actions de prévention des expulsions, mise en œuvre du RSA jeunes, prise en charge du dispositif couverture maladie universelle complémentaire. Au vu de la situation, j’ai demandé au gouvernement qu’il entreprenne un plan d’urgence afin que la CAF puisse bénéficier des moyens lui permettant de répondre localement aux charges réelles constatées (question jointe).

Et le cas de la CAF n’est pas isolé. Dans la fonction publique, il devient urgent de stopper la suppression de postes engagée par le gouvernement, notamment à l’éducation nationale. Le gouvernement est responsable de la dégradation des conditions de remplacements des enseignants, notamment avec l’application de la RGPP : il a ainsi décidé de la suppression de 3 000 postes de remplaçants titulaires en 2009, diminué la part du budget 2010 affecté au remplacement des enseignants et proposé le 9 mars dernier de puiser dans un contingent de retraités et d’étudiants pour palier les absences de profs ! (lire communiqué ci-joint). En augmentant le recours aux non titulaires pour les remplacements urgents, le Ministre s’assure une main d’œuvre flexible, disponible immédiatement et bon marché. Mais il sacrifie ainsi la qualité de l’enseignement public au nom de mesures d’économies dont les élèves seront finalement les premiers à pâtir.

La question de la santé n’est pas mieux traitée : au sud de notre département, la santé est bradée au privé depuis des années. La logique comptable prime sur la qualité des soins rendus, menant même à des excès qui remettent en cause la sécurité sanitaire d’un secteur aussi important que celui de l’hôpital de Melun. Sur ce cas précis, j’interrogerai la ministre de la santé le 29 juin prochain (question jointe).

Enfin, sans vouloir traiter de l’ensemble des services publics qui se trouvent aujourd’hui menacés, je souhaiterai revenir sur réforme de La Poste proposée par le gouvernement au début de cette année. Après avoir soutenu la proposition de référendum refusé par Nicolas Sarkozy, dénoncé le mensonge éhonté de Monsieur Estrosi sur le caractère « imprivatisable » de l’entreprise, j’ai combattu avec l’ensemble des élus de mon groupe cette privatisation. Une fois le projet adopté par la majorité parlementaire, les conséquences néfastes de la réforme postale ne se sont pas fait attendre : le sénateur Pierre Hérisson a proposé début février que la grande distribution puisse offrir des services postaux. Le Président de l’Observatoire national de la présence postale, sénateur UMP de la Haute-Savoie, a mis en avant la diminution de la fréquentation des bureaux de poste pour dévoyer un peu plus le service public postal. Selon lui la grande distribution devrait vendre « aussi naturellement » les services postaux que du carburant.

Cet exemple montre, s’il en était besoin, la détermination de la droite à distribuer au secteur privé et concurrentiel l’ensemble des services publics et les transformer en simple activité marchande.

J’estime au contraire que le service public postal constitue un service public national au service de l’intérêt général. L’entreprise publique joue un rôle essentiel d’aménagement du territoire et de lien social, à travers notamment la présence postale. Plusieurs milliers de bureaux de poste ont déjà été fermés ou transformés en points contacts, des milliers d’emplois supprimés au détriment de la qualité du service rendu aux usagers.

Au-delà de ces exemples, je considère qu’il faut reconquérir la maîtrise publique des services publics et des entreprises nationales que la droite s’acharne à livrer au marché. Cela signifie revenir sur ce que les gouvernements successifs ont privatisé mais aller plus loin, vers des services publics étendus et démocratisés.

Dans chaque grand secteur relevant du service public (l’eau ou le logement par exemple), il y a besoin de maintenir ou de créer un opérateur public fonctionnant sur des principes en rupture avec ceux des groupes privés.

Face à cette spirale destructrice, il est plus que temps de repenser totalement les services publics pour les rendre efficaces, accessibles à tous et leur redonner un rôle moteur dans notre économie. Tout l’inverse de ce que ce gouvernement fait actuellement. Et ce n’est pas avec un plan de rigueur que la situation s’améliorera, car chacun sait que le déficit public est moins un problème de dépenses que de recettes. Il faut que cessent les exonérations de charges accordées aux grands groupes financiers, industriels et à leurs actionnaires ainsi que les cadeaux accordés aux contribuables les plus aisés, notamment avec le bouclier fiscal.

Au-delà des interventions que je suis amené à faire auprès du gouvernement pour combattre ces attaques libérales, je pense qu’il faudra se donner les moyens de nouvelles convergences entre syndicats et politiques afin d’apporter des réponses communes dans l’intérêt général des populations de Seine-et-Marne et de notre pays.

En espérant avoir répondu à vos interrogations et restant à votre disposition pour porter à vos côtés ces nécessaires combats, je vous prie de croire, madame, en l’expression de ma haute considération.

Michel Billout

Michel Billout

Ancien sénateur de Seine-et-Marne
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