Privatisation des concessions des barrages hydrauliques

article dans le "Travailleur Alpin" novembre

Publié le 4 novembre 2014 à 17:08 Mise à jour le 18 mai 2015

Le 14 octobre dernier, les député-e-s ont voté la loi relative à la transition énergétique. Une des mesures adoptées concerne l’avenir des concessions hydrauliques, c’est-à-dire des barrages. Le gouvernement cède une fois de plus aux pressions de la commission européenne et du privé en ouvrant l’exploitation des concessions à la concurrence, en créant de nouvelles sociétés d’économie mixte (SEM) dont la part privée pourrait aller jusqu’à 66%. 150 concessions sur les 400 attribuées pour une durée de 75 ans, arrivent à échéance d’ici 2023, dont plusieurs en Isère, soit près de 25% de la production hydroélectrique.
Si la loi est finalement adoptée en l’état après, c’est ni plus ni moins le processus de privatisation des barrages, patrimoine national amorti, qui serait engagé. Processus dans lequel les opérateurs étrangers privés, guidés par la logique du profit maximal, pourraient postuler, avec des répercussions pour les personnels et les tarifs de l’énergie puisqu’une redevance sera imposée aux nouveaux exploitants, conduisant mécaniquement et inévitablement à une hausse des prix avec un effet sur les politiques sociales. Répercussions aussi sur la sureté des cours d’eau et également en termes de continuité de l’approvisionnement du réseau électrique, puisqu’un exploitant pourra s’abstenir de fournir de l’électricité s’il estime qu’il peut gagner plus d’argent à un autre moment. Nul ne pourra non plus empêcher un exploitant, en l’absence de garantie, de mettre en place des compensations financières aux usages de loisirs, de tourisme, de pêche, voire d’irrigation, usages aujourd’hui gratuits, même s’ils peuvent être règlementés.
L’énergie hydraulique est pourtant un élément clé de la transition énergétique. C’est aujourd’hui la deuxième source de production d’énergie derrière le nucléaire et la toute première source d’énergie renouvelable en France. Elle n’émet pas de gaz à effet de serre et reste la moins coûteuse à produire. L’hydraulique occupe aussi une place de choix pour les finances de l’Etat puisque EDF, dont le capital est détenu à 84% par l’Etat, détient aujourd’hui 80 % des concessions.
La privatisation des barrages risque donc de coûter cher au budget de l’Etat et à la transition énergétique, d’autant qu’en réalité le droit de l’Union européenne laisse aux états la liberté de créer et d’organiser des services d’intérêt général (SIEG) pour l’accomplissement de missions d’intérêt général imparties aux entreprises et primant sur l’application des règles de concurrence. C’est un choix qui reste possible pour le gouvernement et nous rappellerons lors des débats notre position, plus que jamais d’actualité, pour la maitrise publique de l’énergie et l’abrogation de la loi NOME (nouvelle organisation du marché de l’électricité), qui a entamé cette privatisation.

Annie David

Ancienne sénatrice de l'Isère
Voir le site Contacter par E-mail Suivre sur Facebook Suivre sur Twitter

Ses autres interventions :

Sur le même sujet :

Services publics