Intervention au congrès départemental de la CGT

Publié le 3 décembre 2007 à 16:31 Mise à jour le 8 avril 2015

Les 3, 4 et 5 décembre 2007, l’union départemental de Seine et Marne de la CGT a tenu son 58ème congrès à Nangis. Maire de la commune, Michel Billout a prononcé le 3 décembre le discours d’accueil ci-dessous.

"Monsieur le secrétaire départemental,
cher(e)s ami(e)s, chers camarades

Permettez-moi de vous souhaiter la bienvenue à Nangis. Vous le savez, notre ville possède maintenant une longue tradition d’accueil des initiatives du mouvement social et syndical. Je suis donc très heureux d’accueillir votre 58ème congrès départemental dans cette salle dédiée à Dulcie September, une militante qui aura consacré toute sa vie à lutter contre l’Apartheid, avant d’être assassinée par les services secrets sud africains.

Vos travaux se sont ouverts dans un climat social combatif face à la politique sociale menée par le gouvernement, où un rapport de force puissant s’est engagé pour porter les aspirations des salariés, qu’ils soient du privé comme du public, avec l’apport non négligeable des retraités qui ont manifesté nombreux, le 29 novembre dernier devant la préfecture de Melun pour, notamment une revalorisation de leurs pensions.

Comment s’étonner de la détérioration du climat social dans notre pays lorsqu’on sait que depuis le 6 mai, le Président de la République s’est empressé de satisfaire les exigences du MEDEF pendant que le pouvoir d’achat des actifs comme des retraités continuait de baisser.

De ce point de vue, les mesures annoncées Par Nicolas Sarkozy jeudi dernier ne sont pas à la hauteur de l’enjeu et ont un air « de déjà vu » : la prime à la cuve pour les utilisateurs de fuel domestique, la « prime à la casse » pour les voitures particulières, ont été expérimentées il y a dix ans sous les gouvernement Balladur et Juppé !

Surtout, elles sont insignifiantes au regard de la réalité de la situation.

Quant au fameux « treizième mois » gagné en travaillant plus avec les heures supplémentaires, ou le rachat des RTT, il dépend du bon vouloir des employeurs et est en fait véritable machine de guerre contre les 35 heures.

Après le « paquet fiscal » de cet été, le budget 2008 entérine la baisse de l’impôt sur la fortune, la suppression de l’impôt de bourse, l’allègement de la fiscalité des gros patrimoines, entre autres dispositions qui s’occupent du pouvoir d’achat des plus riches !

Au lieu de prendre des mesures pour augmenter le pouvoir d’achat, en augmentant par exemple le SMIC, en relançant des négociations salariales, en instaurant une TIPP flottante, en baissant la TVA, en bloquant les loyers, le gouvernement impose les franchises médicales et restaure le paiement de la redevance télévision pour les retraités les plus modestes qui en étaient dispensés depuis plusieurs années !

Les luttes actuelles dans les entreprises (Air France, Lutermax à Vaux le Pénil, DHL à Nemours...), sur les besoins des salariés en matière d’emplois, de salaires et de pouvoir d’achat, démontrent à quel point il y a urgence à agir.
Pour tous les salariés, qu’ils soient issus du privé ou du public, d’une grande entreprise ou d’une petite, pour tous les retraités, les privés d’emploi, le constat est le même : les salaires, les pensions et les minima sociaux sont insuffisants !
En 2006, l’ensemble des entreprises a réalisé 300 milliards d’euros de profits dont 100 milliards pour les entreprises du CAC 40.
Sur cette masse financière, quelle part a été redistribuée aux salariés ? Dans cette même période, les entreprises de notre département ont été exonérées de 471 millions d’euros de cotisations sociales, sommes qui n’ont donc pas contribué au financement de la protection sociale.
Des solutions existent donc pour répartir autrement les richesses. Lors du débat budgétaire portant sur la loi de finances 2008, mon groupe parlementaire a proposé, par voie d’amendement, d’agir positivement sur le pouvoir d’achat en proposant de réduire le taux normal de la TVA en le ramenant à 17 %.
Cette mesure était en situation de rendre plus de 12 milliards d’euros de pouvoir d’achat aux salariés, aux retraités et à leurs familles, soit moins, faut il le souligner, que les cadeaux fiscaux accordés cet été au titre du paquet fiscal par le Gouvernement Fillon ! Cette mesure répondait aux attentes des Français qui, dans un sondage publié la semaine passée, présentent (à 85 % !) la baisse de la TVA comme un moyen de garantir le pouvoir d’achat.

Vous vous en doutez, cette proposition de bon sens et d’audace, rompant avec les pratiques en vigueur depuis de trop longues années, n’a pas été acceptée par le Gouvernement ni par la majorité UMP.

Au delà de la question du pouvoir d’achat, je voudrais aborder celle de l’emploi dans notre département, soumis à l’exigence sans cesse formulée d’abaissement des coûts de la part des donneurs d’ordre, développant ainsi la précarité et les bas salaires.

Pourtant, notre département a des atouts, notamment industriels, il ne peut être cantonné au simple développement d’un parc de loisirs ou d’une activité purement touristique. Alors que le dynamisme économique de notre département en a fait longtemps une locomotive francilienne, force est de constater aujourd’hui, un réel essoufflement. Nous subissons de plein fouet la désindustrialisation qui touche la grande couronne, après avoir affecté la proche banlieue. Il suffit de rappeler que ces dernières années, des groupes comme ABB, SKF, KODAK, NESTLE, tous présents dans le département, ont mis en place des plans sociaux, pour cause unique de recherche de rentabilité financière accrue. Ce sont plusieurs centaines d’emplois qui ont ainsi disparus après des décisions prises ailleurs, par des groupes florissants, pour des actionnaires avides.

A l’opposé de ces pratiques, l’urgence est de maintenir et développer des emplois pérennes, utiles et efficaces pour l’économie, particulièrement dans l’industrie, je pense notamment à l’aéronautique, avec la Snecma, mais aussi à l’agroalimentaire.

L’emploi est indispensable à un bon aménagement du territoire, au même titre que le développement des services publics. A ce titre, je ne peux conclure mes propos sans revenir sur la carte judiciaire de Mme Dati.
Après l’annonce de la suppression des tribunaux d’Instance de Coulommiers, Montereau et Provins, de même que leurs tribunaux de commerces en 2010, ce sont désormais 63 conseils de Prud’hommes qui vont être supprimés. Certes, pour le moment, notre département est épargné Mais pour combien de temps ? Il est en effet question de regrouper les tribunaux des prud’hommes de Montereau et Fontainebleau à Montereau ou à Melun. Or, Il n’est pas de justice démocratique sans justice de proximité. Cela vaut aussi pour les salariés et les patrons de petites entreprises qui devront aller demain dans des Conseils de Prud’hommes plus éloignés et sans doute engorgés.
Tout cela se fait, bien évidement avec une absence totale de moyens financiers : le coût de sa réforme à 550 millions d’euros sur trois ans selon la ministre, 1,5 milliards selon les syndicats. De toute manière, aucun rapport n’a été présenté par la chancellerie sur l’impact immobilier de la réforme (abandon de locaux publics et réorganisation d’autres) et sur les indemnités promises aux avocats ou qui seront versées aux 1 300 fonctionnaires appelés à être mutés d’office. Seule certitude : le budget de la justice 2008, avec 6,519 milliards d’euros, reste le plus faible d’Europe en dépenses par habitant.

Sur ce dossier comme sur celui des régimes de retraite, Nicolas Sarkozy a beau marteler que la démocratie se résume à l’élection présidentielle, il est, comme les autres, confronté à la réalité de la vie et des rapports de forces. Nicolas Sarkozy tente en ce moment de contenir le mécontentement qui grandit. Il a organisé une conférence sociale sur « emploi et revenus » d’où n’est sortie aucune mesure. Il n’a pas revalorisé le SMIC et les négociations salariales ne sont souvent à l’ordre du jour que dans les entreprises où il y a mobilisation.
La France est au premier rang européen concernant la rémunération des dirigeants mais au 14e pour le salaire médian. Pour les salariés, les dépenses incompressibles (logement, santé, transport) augmentent mais les salaires ne bougent pas.
Alors oui, il existe une large impatience. Et le gouvernement ne pourra pas se dédouaner encore très longtemps du problème de la smicardisation des salariés.
Ce qui se passe dans notre pays est grave. C’est une véritable révolution conservatrice marquée, contrairement au discours officiel, par une immense régression sociale et démocratique et par une politique de soutien sans faille à la boulimie de profit des grands groupes financiers. La concentration des pouvoirs présidentiels hypertrophiés est au service de ces objectifs là !

Fort heureusement, Des résistances commencent à prendre corps. La réalité commence à être perçue.

Pour autant, le chantier qui s’ouvre à la gauche comme au mouvement syndical dans les prochaines semaines est immense. Car, à l’inverse du cours actuel, il est indispensable de conquérir les nouvelles avancées sociales, démocratiques et écologiques nécessaires pour répondre aux besoins humains d’aujourd’hui.

Vous sachant partie prenante de ce combat, je vous souhaite un très bon congrès et des travaux constructifs."

Michel Billout

Ancien sénateur de Seine-et-Marne
Voir le site Contacter par E-mail Suivre sur Facebook

Ses autres interventions :

À la une