« Madame la ministre, avec cet article, nous sommes entreprenons la privatisation de services entiers de l’hôpital public.
Ainsi, sous couvert de partenariat avec le secteur privé, cet article va permettre de privatiser les urgences de jour, véritable aspirateur à clients pour les établissements privés.
Mais au-delà des urgences de jour, ce sont d’autres unités très rentables qui sont visées. Et je voudrais illustrer mon propos par le cas du service de radiologie de l’hôpital de Lagny-Marne la Vallée. Aux prises avec un déficit de 5 millions d’euros, obligée de mettre en oeuvre un plan de retour à l’équilibre , la direction de cet hôpital chasse les économies tous azimuts (suppression de 27 postes administratifs et de cadres en 2007, externalisation de fonctions...).
La crise de la démographie médicale alourdit un peu plus le climat : le service radiologie a perdu la moitié de ses effectifs de médecins (de 12 à 6 postes) en quelques années, et compte deux postes budgétés, mais vacants. L’hôpital peine à recruter des radiologues, victime de l’attractivité du privé où les rémunérations sont nettement inférieures à celles pratiquées dans le secteur public. Et à cela s’ajoutent désormais les conséquences de la tarification à l’activité, cette réforme qui pousse les hôpitaux à privilégier les soins « rémunérateurs » au détriment de ses missions de service public, et les médecins à mener « une course à l’activité ».
Or, dans ces conditions d’asphyxie financière, la direction de l’établissement a dévoilé son intention de privatiser, en grande partie, l’activité de radiologie. En effet, pour répondre aux besoins du bassin de Lagny-Marne-la-Vallée, en pleine expansion démographique, l’hôpital doit s’agrandir.
D’ici 2011, un nouvel établissement doit être construit, dans la commune voisine de Jossigny. Vous vous y êtes d’ailleurs rendue le 17 octobre dernier, Madame la Ministre. Vous devez encore vous en souvenir si j’en juge par le quotidien Le Parisien qui titrait : "Jossigny, Roselyne Bachelot huée par les agents hospitaliers". La plupart des activités seront transférées à Jossigny. Et bien qu’en grande difficulté financière, l’hôpital de Lagny est sommé de participer au financement du projet. Pour réduire les coûts, la direction envisage donc d’offrir aux « investisseurs libéraux » d’acheter des matériels, coûteux, de diagnostic (IRM et scanner notamment ), et bien entendu de titer bénéfice de leur fonctionnement. Des discussions sont engagées avec l’un des plus puissants cabinets privés de la région qui a décidé de construire, à 400 mètres du futur hôpital, un immense cabinet d’une capacité de 16 salles d’examen. Un chantier perçu par les personnels hospitaliers comme une provocation. Comment en effet concilier les missions de service public avec des objectifs de rentabilité qui privilégieront, ici comme partout ailleurs, les examens rapides pour patients sélectionnés sur leur solvabilité ?
On peut en fait s’attendre à une utilisation inégalitaire des équipements, qui réservera aux médecins libéraux les examens les plus intéressants et rémunérateurs , laissant aux hospitaliers publics les examens peu rentables et les épuisantes gardes de nuit et de week-end . Une perspective de nature à accélérer encore la fuite des radiologues vers le privé d’autant que la plupart des radiologues libéraux exercent déjà en secteur 2, à honoraires libres. Sachant qu’une IRM avec dépassement d’honoraires (non remboursés par la Sécurité sociale) est tarifée entre 114 et 150 euros, contre 69 dans le public, on peut être inquiet pour la prise en charge universelle des patients .
Cette question concerne également les assurés, la majorité des médecins libéraux pratiquant des dépassements d’honoraires. Or, ces dépassements sont financés, dans le meilleur des cas par les mutuelles ou les assurances privées. Votre loi entraînera donc une nouvelle hausse des cotisations, ou à une offre de contrat avec des remboursements différencié selon la richesse des familles, creusant encore ainsi l’inégalité devant les soins.
En réalité, Madame la ministre, à l’opposé d’une réelle politique de "modernisation des établissements de santé" dont vous tentez difficilement de vous drapez, c’est bien la remise en cause du financement public et solidaire de la santé que vous organisez au bénéfice d’une vision commerciale et spéculative de celle-ci. »
Exemple de l’Hôpital de Melun : lire l’article de la Republique de Seine et Marne ci-deesous.