Monsieur le Président,
Dans un courrier daté du 21 novembre dernier, vous me demandiez de déposer un amendement demandant la suppression des franchises médicales.
Partageant votre point de vue et celui de vos adhérents sur le caractère profondément injuste et inéquitable de cette mesure, mon groupe a souhaité déposer un amendement le 23 novembre visant à supprimer l’article 35 du PLFSS 2008 instaurant les franchises médicales.
Le Gouvernement, en la personne de Monsieur Xavier BERTRAND, Ministre du Travail, des relations sociales et de la solidarité a refusé l’examen de ce dernier, considérant que les parlementaires avaient trop débattu sur ce sujet.
Il s’agissait pourtant pour les sénateurs de mon groupe d’un débat indispensable, tant les franchises médicales sont néfastes et tant les associations de malades, au m^me titre que votre organisation, exigeaient leur retrait. Ce refus est caractéristique de la conception du débat voulu par le Gouvernement et le Président de la République : limité au minimum.
Cela s’est d’ailleurs traduit au Parlement par une importante censure des amendements proposés par le Groupe CRC, sous le seul filtre de la gestion comptable caractérisée par une application stricte de l’article 40.
Nous avions également proposé la suppression du délai de carence pour les bénéficiaires de l’aide médicale de l’État, l’égalité de traitement entre les résidents communautaires et extracommunautaires. Nous avions également souhaité défendre le droit, pour les partenaires d’un PACS, de profiter d’une pension de réversion, ou présenter cette mesure juste et utile en termes de santé publique qu’est l’allongement du congé de maternité.
Ce sont autant d’amendements que nous n’avons même pas pu défendre, sur lesquels nous n’avons pas pu échanger nos points de vue avec l’ensemble des parlementaires des autres groupes.
Pourtant, jusqu’au bout, les membres du groupe CRC auront tenté de défendre l’intérêt de tous et, particulièrement, celui des malades.
Cela témoigne de la volonté du gouvernement, imposer envers et contre tous les malades des franchises injustes, inefficaces véritable prélude à la privatisation de notre protection sociale.
Un débat que le gouvernement a voulu taire, pour minorer le fait que les malades devront débourser 850 millions d’euros, alors que la taxation des stocks-options ne devrait rapporter que 300 millions.
Ces franchises seront de plus inefficaces et coûteuses pour l’état, sur la durée. Il ne pourra en être autrement, car les plus modestes retarderont leur accès aux soins, quitte à aggraver leur état de santé. Ils renonceront peu ou prou à la prévention et au contrôle médical, au profit d’une médecine d’urgence, qui intervient en bout de course et pour laquelle les coûts sont très supérieurs à ceux de la médecine de ville.
Le risque est également grand de voir resurgir certaines pathologies jusqu’alors oubliées ou endiguées. Je pense, par exemple, à la syphilis, dont les cas sont de plus en plus nombreux, et qui se développe en raison du relâchement des mesures de précaution et de protection ainsi que du recul de la prévention. Alors que cette maladie était devenue rare en 2001, au point de ne plus être soumise à la déclaration obligatoire, une étude publiée dans le Bulletin épidémiologique hebdomadaire du 13 janvier 2004 a montré que le nombre de nouveaux cas de syphilis augmentait sensiblement en France.
En réalité, le gouvernement gère notre système de protection sociale au coup par coup, avec comme seule référence non pas les règles médicales, mais les règles comptables qui sont appliquées dans les sociétés privées.
Selon une enquête menée par Médecins du monde, 32 % des malades retardent les soins dont ils ont besoin ou y renoncent. À n’en pas douter, cette situation, dont le Gouvernement porte l’entière responsabilité, va s’aggraver.
Vous l’aurez compris, avec les élus de mon groupe, nous n’acceptons pas plus que vous la remise en cause de l’égal accès de tous à des soins de qualité et nous continuerons à nous battre dans ce sens à toute occasion.
Espérant avoir répondu précisément à vos attentes, je vous prie de croire, monsieur le président, en ma très haute considération.
Michel Billout
Sénateur maire de Nangis