Centre de rétention du Mesnil Amelot : Michel Billout écrit au ministre de l’intérieur

Une centaine de grévistes de la faim ont manifesté contre les conditions d'accueil déplorables

Publié le 7 mai 2007 à 14:47 Mise à jour le 8 avril 2015

Dans la semaine du 23 avril, une centaine de retenus du centre de retention du Mesnil-Amelot, situé en Seine-et Marne, ont participé à une grève de la faim pour dénoncer les conditions de vie au sein du centre. Au vu des doléances portées par les retenus, et des situations confirmées par plusieurs membres de la CIMADE, Michel Billout est intervenu par courrier auprès du ministre de l’intérieur le 7 mai 2007 :

"Monsieur le ministre,

J’ai été informé d’un mouvement de grève de la faim de grande ampleur (100 personnes sur 130 présentes ce jour-là) qui s’est déroulé le 23 avril dernier au centre de rétention du Mesnil-Amelot, situé dans mon département. Selon les informations qui m’ont été données, il s’agissait, pour la centaine de grévistes, de protester notamment contre les conditions de rétention déplorables, dues au trop grand nombre de personnes retenues.

Dans les doléances qui me sont parvenues, les retenus mettent en avant plusieurs points sur lesquels je souhaite vous alerter.

Tout d’abord, s’agissant de la procédure, les retenus constatent la plupart du temps n’avoir pas eu d’entretien approfondi sur leur situation en préfecture, comme tout APRF le prévoit. Certes, un officier de police judiciaire les a, la plupart du temps, auditionnés pendant la procédure de garde à vue. Pour autant, peut-on considérer ce type d’entretien, réalisé dans un contexte de tension particulière, de même nature que l’entretien réalisé en préfecture par des personnels du service des étrangers mieux formés juridiquement à ce type de situation et mieux à même de juger, par exemple, de l’intensité de la vie privée et familiale de ces étrangers en France ?

Se pose également le problème de l’absence de visite médicale d’admission. Selon les doléances des retenus, aucune visite médicale d’admission n’est réalisée. Cette situation est confirmée par plusieurs membres de la CIMADE. Les visites médicales approfondies ne sont opérées qu’à la demande des retenus. Cette situation aggrave le risque de transmission de pathologies qui ne seraient pas rapidement détectables. Ainsi, mercredi 2 mai, un cas de gale a été détecté sur un retenu arrivé le 16 mars pour sa première période de rétention : durant six semaines, cet homme a été porteur de cette maladie très contagieuse dont on sait qu’un seul contact suffit pour être infecté. Ce cas illustre la réalité et la justesse des inquiétudes formulées par les retenus de ce centre. J’ajoute que la faiblesse des créneaux horaires attribués aux visites médicales « volontaires » (une heure le matin, une heure l’après-midi) et leur annonce en une seule langue, le français, renforce l’inquiétude sanitaire.

Concernant la question des rapatriements, les retenus déplorent le manque de transparence et d’informations concernant leur expulsion vers leur pays d’origine, ces derniers n’ayant pas le temps de préparer leurs bagages et de prévenir leur famille.

Par ailleurs, les longs séjours et la question de la double peine ont été évoqués par les retenus. En effet, des détenus, tout juste libérés de prison, multiplient les séjours au centre de rétention lorsque leur situation administrative ne permet pas aux autorités de les expulser, faute de laissez-passer du consulat de leur pays d’origine. La plupart du temps, ils sont finalement relâchés après avoir purgé ce qu’ils considèrent comme une double peine. Cette situation est tout aussi pesante pour les autres retenus qui, faute de laissez passer consulaires, subissent les mêmes contraintes ...

Je comprends d’autant moins cette pratique que le placement en rétention administrative vise à maintenir à la disposition de l’administration les étrangers faisant l’objet d’une mesure d’éloignement, quelle qu’elle soit, dans le cas où cette mesure ne peut être mise en œuvre immédiatement, mais sera effectivement exécutée à brève échéance.

Dans le cas présent, pourquoi retenir des personnes dont on sait que la mesure d’expulsion ne pourra pas être appliquée ? L’allongement de la durée de rétention, en 2003, devait permettre dans l’esprit du législateur « une réelle amélioration de l’efficacité de la procédure de rétention et d’éloignement ». Il me semble qu’on s’en éloigne.

Devant la souffrance affichée par cette population, accompagnée d’une forte détresse psychologique qui a amené, dans la semaine du 23 avril, à quatre tentatives de suicides, je souhaite connaître les dispositions prises pour humaniser cette situation vécue quotidiennement par plus de 5000 personnes chaque année.

La réponse est d’autant plus importante que d’autres difficultés ont été soulevées il y a un peu plus d’un an : le 20 février 2006, une délégation de 6 membres de la commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures du Parlement européen avait visité ce centre de rétention administrative, le plus important de France, et constaté dans son rapport rendu public le 22 mars 2006, les difficultés rencontrées par les retenus : « Les personnes qui demandent l’asile dans les CRA sont obligées de présenter leur demande dans les 5 jours suivant leur arrivée au CRA. Elles doivent soumettre leur demande en langue française, sans avoir la possibilité de recourir gratuitement à un interprète. Le manque d’argent et l’enfermement font qu’il est très difficile de soumettre une demande d’asile dans les règles. »

En 2005, selon ce rapport, sur 300 demandes à l’intérieur du centre du Mesnil-Amelot, une seule a été acceptée. Où en est-on aujourd’hui ?

Monsieur le Ministre, les questions sont certes nombreuses, mais s’imposent face à la nécessité de respecter le premier principe de la résolution 43/173 du 9 décembre 1988 adoptée par l’Assemblée générale du Haut commissariat aux droits de l’homme : « Toute personne soumise à une forme quelconque de détention ou d’emprisonnement est traitée avec humanité et avec le respect de la dignité inhérente à la personne humaine ».

Dans l’attente de votre réponse, je vous prie de croire, monsieur le ministre, en ma très haute considération. "

Michel Billout
Sénateur Maire de Nangis

Michel Billout

Ancien sénateur de Seine-et-Marne
Voir le site Contacter par E-mail Suivre sur Facebook

Ses autres interventions :

À la une