Dans un courier envoyé le 5 mai 2006 à Jean Louis Chomet, secrétaire général de la CGT, Michel Billout revient en détail sur la manière forte utilisée par le gouvernement pour imposer une vison ultra libérale de la société. Il présente par ailleurs trois propositions de loi portées par son groupe mais refusées au débat par l’UMP....
"Monsieur le secrétaire général,
Vous m’avez sollicité le 10 avril dernier, avec 11 autres organisations syndicales, pour intervenir au niveau parlementaire afin d’obtenir l’abrogation du CPE et refuser tout aménagement » de ce dernier. Vous n’ignorez sans doute pas le positionnement de mon groupe parlementaire sur ce dossier. C’est donc avec une forte détermination que nous nous sommes opposés, jusqu’à épuisement de l’ensemble des recours parlementaires possibles, à ce dispositif de précarisation de la jeunesse.
Avec le projet de loi sur l’égalité des chances, le Gouvernement a voulu imposer, par la force, sa vision ultra-libérale de la société. Le front syndical, dans lequel votre organisation a joué un rôle majeur, les jeunes et les salariés ont su s’y opposer avec force, remportant ainsi une formidable victoire, obtenue dans l’unité.
Tout au long des débats, les sénateurs du groupe Communiste Républicain et Citoyen ont dénoncé point par point les dispositions de ce texte, et l’absence totale de concertation avec les organisations syndicales. Avec les élus de mon groupe, nous avons aussi opposé un nombre important de propositions pour répondre efficacement et justement aux enjeux soit disant soulevés par ce projet de loi sur l’égalité des chances.
Mais toutes nos propositions ont été rejetées, voire carrément ignorées par une majorité qui ne poursuivait qu’un seul objectif : écourter le plus possible la discussion et passer en force devant le Parlement.
Dans ce dossier, les syndicats n’ont pas été respectés, et je voudrais préciser que les parlementaires n’ont guère été mieux lotis : après le 49-3 à l’Assemblée Nationale, les procédures réglementaires douteuses n’ont pas manqué au Sénat, le gouvernement n’hésitant à prendre quelques largesses avec le règlement du Sénat. Tout y est passé : réserve de pans entiers du projet de loi, déclarations très contestables d’irrecevabilité de dizaines d’amendements ou sous-amendements ...
L’Hypothèque du CPE levée, vous appelez de vos vœux, avec 11 organisations syndicales, « à l’ouverture de discussions sur les questions de l’emploi et de la formation des jeunes, de la précarité, et du chômage. »
Je partage bien évidement votre souhait d’aborder enfin les questions de fond. Les jeunes ont raison de ne pas accepter d’être considérés comme une charge pour la société. Ils ont dénoncé avec justesse durant ce conflit cette situation où 56% des moins de 30 ans sont surendettés, où 50% des 18 - 29 ans sont contraints de rester chez leurs parents, où encore d’être la tranche d’âge la plus touchée par la pauvreté (8% contre 3,5% pour les plus de 60 ans). Et c’est pour cela que le CPE leur est apparu comme particulièrement inacceptable, et c’est contre cela qu’ils ont lutté avec clairvoyance et responsabilité.
Depuis 2002, le gouvernement n’a cessé de mettre en pièce le code du travail et de réduire comme peau de chagrin les droits sociaux des citoyens.
C’est l’autorisation du travail de nuit des mineurs, ou encore la généralisation des dérogations à la limitation du temps de travail hebdomadaire de 35 heures, ou bien la multiplication des possibilités de recours aux emplois précaires, aux temps partiels, et aux emplois aidés, etc. Le tout avec des milliards d’euros d’exonération et cadeaux fiscaux.
Avec le CNE, toujours en vigueur, le gouvernement condamne à la précarité et à l’exclusion des centaines de milliers de salariés et leur ôte toute possibilité d’intégration sociale, familiale et professionnelle.
Mon groupe parlementaire rejette en bloc ce modèle de société à l’anglo-saxon, qui voudrait nous faire croire que seuls les plus courageux réussissent. Et que les difficultés scolaires, sociales ou professionnelles sont le signe d’un comportement de fainéants, ou de profiteurs.
Le CPE a disparu, et c’est tant mieux mais l’article 8 qui le remplace a été « bricolé » par des dispositifs, qui existent déjà et qui avaient été qualifiés il y a peu par le Premier Ministre lui-même de « demi-mesures » !
Un »e fois encore, , les employeurs y trouvent un lot de consolation. Au final, ce sont 150 millions en 2006 et 300 millions en 2007 qui iront directement dans les caisses des entreprises, et qui seront financées par le budget de l’Etat. Ils viendront s’ajouter aux 22 milliards dépensés chaque année sans retour positif pour l’emploi.
Avec cette proposition de loi, le gouvernement choisit de faire encore un pas de plus dans le sens de ses politiques parfaitement inefficaces en terme d’emploi, mais ruineuses pour notre système de solidarité nationale. Depuis 2002, le taux d’indemnisation des chômeurs par le régime de l’assurance a largement baissé. Et on compte aujourd’hui en France 1,2 millions de bénéficiaires du RMI. Par contre aussi, la pauvreté a augmenté de façon significative depuis 2002, et cette année, près de 7% de la population vit en dessous du seuil de pauvreté, c’est-à-dire avec moins de 650 euros par mois.
Les Sénateurs Communistes Républicains et Citoyens, s’opposent radicalement à cette politique. Nous pensons au contraire, qu’il faut mener une réelle politique de relance, qui passe par le rétablissement du pouvoir d’achat des citoyens, par un développement de la croissance, une politique qui lutte contre la spéculation et l’appauvrissement, voire l’étranglement, des PME - TPE par les donneurs d’ordre et le système bancaire. Il faut envisager concrètement la revalorisation des salaires et des retraites, rétablir dans notre démocratie, qui se dit moderne, le droit à la santé, à l’éducation, le droit du travail et au travail.
La jeunesse, les salariés, les privés d’emplois, qui n’ont pas mis un point final à leur lutte contre la précarité, attendent un changement de cap. Avec eux, les communistes et leurs amis continuent donc d’exiger :
- l’abrogation de la loi mal nommée .égalité des chances.
- que la richesse produite (183 milliards de dividendes versés aux actionnaires en 2005) aille aux salaires, à la création d’emplois et à la formation.
Le groupe communiste et républicain a déposé trois propositions de loi (une pour assurer le remplacement en CDI les 500.000 départs en retraite prévus chaque année jusqu’en 2015, une autre pour résorber l’emploi précaire et enfin une troisième pour requalifier en contrat de travail les stages abusifs qui ne sont que des embauches au rabais)
L’UMP et le gouvernement refusent ces projets de loi. Pour autant, nous ne baisserons pas les bras. Dans ce combat quotidien contre la précarité et pour une plus grande justice sociale, vous pouvez comptez sur mon investissement et celui de l’ensemble des sénateurs communistes, républicains et citoyens.
Conscient du travail qu’il nous reste tous à faire pour approfondir ce débat, je vous prie de croire monsieur le secrétaire général, en l’expression de ma plus haute considération."