Monsieur le Président, mes cher(e)s collègues
Ce rapport aborde la question de la contractualisation et anticipe le cadre nouveau qui résultera de l’acte III de la décentralisation.
Si nous prenons acte du fait que les différentes Commissions du Conseil général seront associées à la définition (dans leur forme et contenu) des Contrats de troisième génération, il ne nous semble pas anodin que ce débat soit annoncé pour l’automne en lien avec le Débat d’Orientation Budgétaire et le Budget Primitif.
Les contraintes financières risquent bien en effet d’être le premier cadre imposé à cette contractualisation.
L’assèchement programmé des recettes des collectivités locales via la réduction de 4, 5 milliards d’euros de dotations de l’Etat d’ici 2015, auquel s’ajouteront 2 milliards d’euros de charges nouvelles, impactera fortement l’accompagnement que notre Département pourra mettre en œuvre. Nos partenaires, acteurs territoriaux de l’autonomie, de la Culture, du sport etc. les Collectivités territoriales et notamment les communes qui sont aujourd’hui particulièrement inquiètes sur leur devenir, risquent bien d’être les premiers à faire les frais de ce tour de vis budgétaire !
Nous continuons à penser pour notre part que c’est un contresens de vouloir mettre à la diète les collectivités locales, de les soumettre à la marche forcée imposée pour réduire le déficit public à 0,5 % du PIB en 2016 comme le Président de la République s’y est engagé en signant le Pacte Budgétaire Européen.
Les collectivités locales sont en effet à la fois un amortisseur social irremplaçable en période de crise et un levier incontournable de relance économique.
Faut-il encore rappeler qu’en assurant Plus de 70 % de l’investissement public, celles-ci participent au maintien de centaines de milliers d’emplois eux-mêmes facteurs de consommation, antidote à la récession, et de cotisations sociales dont notre système de protection sociale a urgemment besoin.
Nous appelons donc au rassemblement le plus large dans l’action pour desserrer ce corset austéritaire.
Les Etats généraux des Territoires organisés par le Président du Sénat, Jean-Pierre BEL, avaient permis de mettre en lumière les attentes fortes des élus locaux soulignant majoritairement qu’ "on leur demandait toujours plus avec toujours moins ". Attentes de moyens nouveaux mais pas seulement, de reconnaissance aussi avec la revendication d’un véritable statut de l’élu.
Les 20000 élus locaux dont 1/3 de maires qui ont répondu au questionnaire du Sénat ont majoritairement exprimé leur inquiétude face à l’affaiblissement des communes et la montée en puissance des intercommunalités.
C’est ce fil du dialogue du débat interactif qu’il faudrait d’abord renouer avec les élus locaux pour rétablir la confiance. Ni rupture territoriale, ni rupture d’égalité entre les citoyens, telle est l’exigence légitime des élus locaux et des populations sincèrement attachées aux fondements de notre République.
Force est malheureusement de constater que le projet de loi, dit acte III de la décentralisation n’abroge en rien la loi SARKOZY et qu’il suscite même plus d’inquiétudes qu’il n’en lève.
J’ai évoqué il y a un instant la situation des communes et la peur de dessaisissement des maires dans le cadre d’intercommunalités parfois imposées le plus souvent acceptées par réalisme politique mais rarement sur la base de vrais projets de coopération territoriale. Qu’en serait-il demain si le transfert de la maîtrise du sol des communes aux communautés de communes et communautés d’agglomération était confirmé par le vote des articles 28 et 29.
Ce serait tout simplement la fin programmée des communes et je défie quiconque ici d’affirmer le contraire.
Autre manière d’aborder le sujet. Comment l’intérêt de tous les territoires, l’intérêt de tous les citoyens pourra être réellement défendu avec ce qui est annoncé ici : la recentralisation et la concentration des pouvoirs locaux au sein d’intercommunalités de très grande taille ou de métropoles intégrées ? Or ces nouvelles collectivités se verront transférer l’essentiel des compétences locales.
La loi Sarkozy n’ayant pas été abrogée, c’est cette logique qui est déjà à l’œuvre avec la transformation du syndicat mixte de la Côte d’Opale en Pôle Métropolitain et la mise en place d’une nouvelle gouvernance.
Ainsi les décisions stratégiques concernant 750000 habitants, 15 intercommunalités seront-elles concentrées entre les mains d’élus au 3ème degré. Quel pourra être le pouvoir d’intervention des habitants ?
J’en viens à présent au devenir des départements pour dire d’emblée que je ne partage pas l’optimisme de ce rapport. Certes le Département est confirmé comme chef de file de l’action sociale, de l’autonomie et de la solidarité territoriale, il devient l’acteur principal sur le numérique et l’ingénierie.
Certes la compétence générale des Départements et des Régions est rétablie. Mais celle-ci sera fortement limitée. Le Département ne pourra intervenir selon l’article 48 que sur les sujets d’intérêt public local qui n’auront pas été je cite : « dévolus par la loi à l’Etat ou à d’autres personnes publiques que le gouvernement souhaite faire prévaloir ».
De plus elle sera strictement encadrée par les schémas régionaux qui seront établis politique par politique et hors desquels les collectivités qui voudraient s’en affranchir seraient sanctionnées financièrement. Dans les faits, un Département ne pourra plus intervenir dans tous les domaines et ne sera plus maître des aides et subventions qu’il souhaiterait pouvoir accorder.
S’agissant du domaine social, ce rapport énumère en sa page 17 les compétences du Département qui pourront être transférées à la métropole par conventionnement jusqu’en 2017 puis de plein droit : aides du FSL, missions de l’action sociale, insertion, aide aux jeunes en difficultés, actions directes envers des jeunes et des familles en difficultés, transports scolaires, routes départementales et zones d’activités.
En réalité, ce sont les métropoles qui décideront du développement régional. Elles imposeront de fait les règles du schéma régional de développement économique (théoriquement de la responsabilité des régions). En effet, selon l’article 3, cette compétence de la région s’articulera, je cite, « avec un rôle renforcé des métropoles, chefs de file en matière d’aides économiques sur leur territoire et responsables de la définition de la stratégie économique sur celui-ci ». En résumé, il vaudra mieux vivre dans des territoires riches et plein d’avenir que dans d’autres définis comme pauvres et archaïques. Les inégalités territoriales s’aggraveront. Les subventions, les aides, les implantations d’entreprises seront concentrées sur les mêmes territoires.
Je vous renvoie aussi à l’article du projet de loi qui instaure les conférences territoriales de l’action publique chargées de missions essentielles notamment celles de débattre des transferts de l’Etat et d’organiser la coopération des différents niveaux de collectivités et la cohérence de leurs actions.
Il s’agit d’une instance stratégique et il n’est pas inutile de regarder l’article 47 qui définit la composition de cette conférence territoriale régionale.
On y apprend que la représentation du Pas-de-Calais serait assurée, en l’état du texte, par 14 membres avec un poids prépondérant pour les 7 présidents de communautés d’agglomération et de communautés urbaines du département de plus de 50 000 habitants alors que notre département compte 80% de communes rurales. On comprend ainsi que la représentation des élus serait réduite à deux couleurs politiques alors que le Pas de Calais est riche de sa diversité politique.
Je peux comprendre, monsieur le Président, que vous souhaitiez sans attendre prendre la main, anticiper les évolutions institutionnelles, proposer des expérimentations qui placeraient le département comme chef de file.
Mais je crois sincèrement que le gouvernement doit réagir et changer cette loi, renouer le fil du débat citoyen entamé avec les élus locaux, les maires dans le cadre des Etats Généraux des Territoires. Nous avons 3 défis à surmonter :
• le désengagement massif de l’Etat qui était largement engagé sous la droite mais qui au nom de l’optimisation de la dépense publique semble ici se poursuivre voire s’accélérer
• la place du département interlocuteur privilégie des communes dont le poids politique dans la nouvelle architecture institutionnelle doit être garanti.
• l’égalité de traitement des citoyens et des territoires qui doit être respectée quel que soit le lieu où habite un citoyen.
Pour toutes ces raisons, je vous propose, monsieur le Président, qu’une délégation des 3 groupes de cette assemblée se rencontrent pour débattre notamment du cadre politique dans lequel nous allons travailler.
Cela est particulièrement vrai pour l’élaboration du schéma départemental d’accès des publics aux services dans les territoires ruraux ou urbains en difficultés. Il s’agit en effet d’une question politique de fond. On sait les dégâts provoqués par l’émergence du privé dans l’organisation des services d’aide à la personne. Il est hors de question pour nous que le Conseil général serve à accompagner le désengagement de l’Etat de ses missions de service public. Par exemple faut-il encourager les centres de santé publics ou parapublics dans lesquels les patients peuvent accéder aux soins sans dépassement d’honoraires et même sans avance de frais ou bien faudrait-il favoriser des Maisons de santé dans lesquelles le mode d’exercice collectif de la médecine a ses mérites mais s’inscrit dans un cadre libéral et payant ?
Je souhaiterais pour toutes ces raisons au nom du groupe communiste que cette réflexion de fond soit menée avant tout et que le Congrès (la réunion des 2 conseils généraux du Nord et du Pas-de-Calais) annoncé pour le 4 juillet soit reporté après le vote définitif de la loi par le Parlement.