12ème Rassemblement Pacifiste à Pontcharra le 26 mars 2011

Publié le 1er avril 2011 à 17:07 Mise à jour le 8 avril 2015

Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs,
Cher-s- ami-e-s,

Depuis maintenant plusieurs années, nous nous retrouvons devant ce beau monument, dédié à la paix, pour rappeler les valeurs qui nous sont chères, des valeurs de paix, humanistes, de solidarité et de fraternité entre les peuples.
Mais cette année, nos paroles, nos mots, sont couverts par des bruits de guerre, alors que dans le monde arabe souffle le vent de la révolte ; qu’elle vienne de Tunisie, d’Egypte, de Libye, ou encore du Yémen, de la Jordanie, du Bahreïn et peut être demain d’Algérie, de Mauritanie ou du Maroc, cette révolte porte la même voix, la même force : celle de la liberté.
Une liberté chèrement acquise, au prix de courage et de sang des peuples arabes qui se sont soulevés contre les dictatures dont ils étaient les otages. Et cette force qui courre en Méditerranée nous donne espoir :
Espoir dans une jeunesse qui incarne la soif de liberté et de justice et marque l’avènement d’une ère démocratique pour ces peuples, à qui la victoire ne doit pas être confisquée, car nous savons, même aujourd’hui dans nos « vieilles démocraties », que la flamme de la liberté demeure à jamais vacillante.
Espoir, aussi, car ces révolutions populaires nous renvoient l’image d’une société déterminée, combative et ouverte sur le monde, quand la nôtre apparaît repliée, résignée, qui voit dans le progrès une menace et dans l’étranger un ennemi !
Je fais bien évidement référence au taux record d’abstention de ces dernières élections et à la présence au second tour du FN dans presque 400 cantons alors qu’il fait, drôle de paradoxe, 110 000 voix de moins qu’en 2004 !

Espoir, mais également beaucoup de crainte lorsque je pense au peuple libyen aux prises à une répression sanglante et criminelle ; et à l’avenir que la France, avec d’autres, veulent lui imposer.
Lors des prémices du soulèvement du peuple Tunisien, nous avons assisté à un comportement de notre pays indigne des valeurs qui sont celles de notre République, celles des droits de l’homme, puisqu’il proposait, à travers sa ministre des affaires étrangères, le « savoir-faire de nos forces » pour « régler les situations sécuritaires » en Tunisie ; finalement la France a laissé faire…
Mais d’une France absente, elle est aujourd’hui, trop présente ou plutôt mal présente en Lybie !
La logique de guerre, le déploiement considérable de forces, ne peut rien entrainer de bon. D’autant plus que l’intervention militaire directe des puissances occidentales qui, hier, soutenaient et armaient ces dictatures que leurs peuples ébranlent, portent l’empreinte d’une guerre occidentale dans la région. Tout humaniste et progressiste ne peut être que profondément affecté par la guerre en Lybie.
La communauté internationale doit protéger les populations civiles en Libye, comme d’ailleurs elle devrait le faire partout où elles sont menacées et pas seulement là où il y a du pétrole : Arabie Saoudite, Syrie, Yémen, Bahreïn, Côte d’Ivoire, ou encore en Palestine, où l’aviation israélienne a lancé ces derniers jours des raids contre Gaza !
La question est : comment ?
La réponse, en tout cas pour moi, n’est pas dans la guerre !
Chacune et chacun d’entre nous, devons faire entendre au gouvernement que le devoir de protection des populations ne saurait être le prétexte au déclenchement d’une guerre pour des intérêts politiques, économiques et géostratégiques et que le choix des futurs dirigeants libyens doit appartenir au seul peuple libyen.

Bien que nous soyons réunis ici devant ce monument pour la paix, je ne peux m’empêcher d’avoir une pensée pour le peuple japonais.
Un peuple victime d’abord du Tsunami, dont le bilan fait état de plus de 27 000 morts et disparus, puis victime d’une catastrophe nucléaire. Je tiens, aujourd’hui à lui exprimer ma solidarité et à saluer son courage, celui extraordinaire des pompiers, des services de sécurité et des travailleurs de la centrale de Fukushima.
Ces événements dramatiques doivent bien sur interpeller le gouvernement sur sa politique énergétique et sur l’entrée en vigueur de la dernière loi votée dans ce domaine, la loi de Nouvelle Organisation du Marché Electrique, qui prévoit à l’horizon de 2025 la privatisation d’une partie de la production nucléaire !
Mais ces évènements dramatiques doivent surtout interpeller notre gouvernement, dont la position est ambiguë, sur la non-prolifération des armes nucléaires.
En effet, il y a quelques semaines le Sénat a débattu d’un projet de loi contre la prolifération des armes de destruction massive mais dans le même temps, le gouvernement a installé, en Gironde, un « laser mégajoule », ou LMJ, outil destiné à simuler les explosions nucléaires militaires et opérationnelles, qui a un coût pour le contribuable de l’ordre de 2,3 milliards d’euros sur dix ans. Dans cette période de récession, il y a nécessité à s’interroger sur cette dépense…
Dans le même temps, il a donné son accord au premier ministre britannique David Cameron lors de la signature de traités de coopération militaire, pour la construction du Centre de simulation des armes nucléaires, ce qui explique son refus de soutenir la convention d’élimination des armes nucléaires signée par 75 % des États du monde. Notre groupe avait d’ailleurs déposé une proposition de résolution sur ce point.
Et lors du dernier sommet de l’OTAN des 19 et 20 novembre 2010, le Président de la République a fait peser tout le poids de la France contre le camp des antinucléaires, mené par l’Allemagne, afin que la vocation nucléaire de l’OTAN soit de nouveau inscrite dans la stratégie de Lisbonne, laquelle admet désormais que « tant qu’il y aura des armes nucléaires, l’OTAN demeurera une puissance nucléaire ».
Enfin, alors que des peuples s’affrontent, que le sang est versé, le gouvernement, sous couvert d’harmonisation de la réglementation européenne, a mis en débat un projet de loi relatif au contrôle des importations et des exportations de matériel de guerre, qui en fait, ouvre le marché de l’armement à la concurrence au sein de l’union européenne, mais également en dehors, soumettant le commerce des armes au dogme de la libre circulation des marchandises et celui de la concurrence libre et non faussée !
Ainsi, si la catastrophe japonaise doit nous interpeller sur la politique nucléaire en France, elle ne doit pas faire l’impasse sur l’arme nucléaire…

Voilà monsieur le président, chers, chères ami-es, les paroles que je souhaitais porter aujourd’hui ; et vous l’aurez compris, ces paroles sont empreintes de tristesse, bien sûr face au drame que vit le Japon, mais également parce qu’il me semble que c’est un éternel recommencement : l’Irak, l’Afghanistan, aujourd’hui la Lybie, la Côte d’Ivoire… pourra-t-on un jour vivre dans un monde en paix, un monde où les armes se seront tues, remplacées par la solidarité, la fraternité, le partage…
Aussi plus que jamais nous devons continuer à nous mobiliser pour promouvoir ce qui nous rassemble aujourd’hui, des valeurs de paix et d’humanisme, afin qu’ensemble, nous fassions que ce siècle soit celui de la Paix et de l’avènement démocratique dans toutes les régions du monde.
Merci.

Annie David

Ancienne sénatrice de l'Isère
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