Que va changer, concrètement, une gauche majoritaire dans l’activité du Sénat ?
Nicole Borvo Cohen-Seat. Cet événement considérable changera beaucoup de choses. Le Sénat a, par exemple, le pouvoir d’abroger les textes sur la réforme des collectivités territoriales. Il faudra bien sûr le vote des députés, car ils ont le dernier mot sur les textes législatifs, mais cela permettra de faire reculer l’application de la réforme. La gauche pourra ainsi inverser le rapport de forces de façon substantielle. Et puis, des textes comme la participation des étrangers aux élections locales, votée par la gauche majoritaire à l’Assemblée nationale par le passé, pourront être acceptés par le Sénat, qui les avait rejetés jusqu’alors. Si c’est fait rapidement, la loi pourra être revotée par des députés nouvellement élus, après les législatives de 2012. Ces réformes sont des marqueurs politiques forts sur des sujets porteurs dans la société. Les sénateurs de gauche pourront montrer qu’ils ont un poids et que leurs voix comptent. Même si elle n’a pas le pouvoir d’inverser la politique gouvernementale, la Haute Assemblée peut batailler et tenter d’atténuer les mauvais coups qui se préparent sur les sujets en discussion d’ici les échéances électorales présidentielle et législatives de 2012, comme le vote du budget de l’État ou la loi de financement de la Sécurité sociale.
Est-ce un encouragement en vue d’une victoire de la gauche en 2012 ?
Nicole Borvo Cohen-Seat. Oui, évidemment. Le vote des conseillers municipaux, qui sont majoritaires parmi les grands électeurs qui désignent les sénateurs, est le reflet de ce que pensent les citoyens. C’est un premier échec massue pour le président de la République et son gouvernement. Chacun sait que, par tradition et du fait du mode de scrutin, tout était bien arrangé pour que le Sénat reste à droite. Le perdre quand on aspire à conserver le pouvoir, c’est contradictoire. C’est un mauvais signe pour un chef de l’État qui prétend pouvoir briguer un second mandat. C’est tout de même le premier président de droite qui doit faire face à un basculement à gauche de la deuxième Assemblée du Parlement. Il y a un mécontentement profond des électeurs quant aux politiques du pouvoir, à l’échelle du pays mais aussi chez les grands électeurs. Ils ont très fortement critiqué la réforme territoriale, mais les sénateurs de droite l’ont votée quand même. Les jeux, pour une victoire de la gauche en 2012, ne sont cependant pas faits. En démocratie, ils ne sont jamais faits. Même si c’est une sanction très forte, ce ne sont que les grands électeurs qui ont voté. Sans voir dans le marc de café, il peut se passer beaucoup de choses d’ici à l’élection présidentielle.
Comment expliquez-vous que le groupe
que vous présidez progresse en voix
mais pas en nombre de sièges ?
Nicole Borvo Cohen-Seat. Le mode de scrutin majoritaire favorise le bipartisme et, donc, à gauche, le Parti socialiste. Dans ce type d’élection, le premier tour sélectionne le sénateur qui obtient le plus de voix. Notre progrès en nombre de suffrages lui a donc souvent bénéficié au second tour. Cela n’empêche pas que l’on a progressé fortement en voix dans des départements comme les Pyrénées-Orientales, le Puy- de-Dôme, le Lot ou encore les Landes. C’est bon signe pour la dynamique du Front de gauche dans la campagne qui commence pour les élections de 2012.
Entretien réalisé par Audrey Loussouarn