Rendre au peuple sa souveraineté

Publié le 26 mars 2008 à 16:23 Mise à jour le 8 avril 2015

Par Nicole BORVO
Jean-Claude SANDRIER
François AUGUSTE
Animateurs de la campagne du PCF « Pour une 6ème République sociale et participative »

Tribune libre parue dans l’Humanité

Un large débat public sur les institutions est absolument nécessaire. Il a été peu abordé lors des élections présidentielles, sans doute, d’ailleurs, parce que les principaux candidats étaient d’accord sur l’évolution présidentialiste du régime.

Pourtant, si la question est rarement exprimée de façon directe par nos concitoyens, elle est en creux en permanence dans leurs critiques : éloignement des décisions, sentiment d’être mal représentés par la « classe politique » et que leurs choix ne sont pas respectés (référendum de 2005, promesses non tenues). L’abstention a battu tous les records aux élections municipales et cantonales, confirmant la crise de la démocratie.

Ainsi, ce débat n’est pas une question de spécialistes. Il rejoint les préoccupations premières de nos concitoyens (pouvoir d’achat, emploi, santé, éducation...). Le mener, c’est se poser une question essentielle : par quelles avancées démocratiques le peuple peut-il intervenir de façon directe à tous les niveaux et s’approprier les règles institutionnelles aujourd’hui éloignées ?

Le candidat Sarkozy n’avait pas caché sa conception hyper présidentialiste des institutions et, dès son élection, le Comité Balladur, composé par l’Elysée, était chargé de constitutionnaliser l’évolution en œuvre depuis 1962 avec l’élection du Président de la République au suffrage universel, le quinquennat en 2000 et l’inversion du calendrier.

La philosophie des 77 propositions du Comité était claire : un président de la République seul chef de l’exécutif, doté d’une majorité élue le même jour, s’adressant directement au parlement et conservant l’ensemble des pouvoirs de la Constitution de 1958 : irresponsabilité, domaine réservé, droit de dissolution, article 16...

La « revalorisation » du parlement présentée comme contrepartie est un leurre. S’il retrouve en apparence quelques prérogatives (ordre du jour ou avis sur les nominations), son fonctionnement est plus strictement encadré par une limitation de la liberté de parole des parlementaires et la contrainte financière. Il s’agit en fait d’une « rationalisation » qui accentue le bipartisme organisé par les scrutins présidentiel et législatif et cantonne le parlement dans un rôle d’enregistrement des directives européennes et de « contrôle » de l’exécutif.

L’avant-projet présenté en décembre par le gouvernement ne reprend pas les 77 propositions, surtout parce que la dose homéopathique de proportionnelle suggérée par le Comité n’est même pas acceptée par l’UMP et parce que l’officialisation du régime présidentiel ne fait pas « consensus ». Il en reprend néanmoins les principales orientations.

Parallèlement, N. Sarkozy a commandité deux autres rapports, l’un à Pierre Mazeaud pour « rendre constitutionnelle » l’introduction des quotas d’immigration, l’autre à Simone Veil pour modifier le préambule de la Constitution et le rendre compatible avec la discrimination positive. Il a aussi multiplié les interventions sur une « nécessaire évolution » de la laïcité.

Nous avons dénoncé - devant le Comité Balladur et par l’appel des élus communistes et républicains - la réforme annoncée, et parce qu’elle aggrave dangereusement le déséquilibre institutionnel et le pouvoir personnel, et parce qu’elle tourne le dos aux exigences démocratiques en ignorant les évolutions aujourd’hui largement soutenues par la population : proportionnelle, développement de la démocratie participative, initiative citoyenne, vote des immigrés notamment aux élections locales.

Les élections de mars 2008 sonnent comme un avertissement sérieux à la politique de N. Sarkozy. Certes particulièrement au plan social et économique, mais sans aucun doute aussi sa conception du pouvoir personnel, son affichage avec patrons et milliardaires, son mépris du peuple sur le traité européen, sa mise en cause de la laïcité, sa volonté contredire le Conseil constitutionnel sur la non-rétroactivité de la rétention de sûreté, ont été ressentis comme dangereux.

Aussi, la réforme envisagée au terme d’un débat feutré de spécialistes peut être mise en échec.

Dans ces conditions, nous souhaitons relever le défi d’un véritable débat pour une réforme profonde et radicale des institutions et ceci pour une raison essentielle : c’est le moyen et la condition de rendre au peuple sa souveraineté, du « local au mondial ».

Actuellement, les institutions jouent un rôle amplificateur des rapports de forces favorables aux classes dirigeantes. Le besoin est donc urgent d’avancées démocratiques dont beaucoup sont déjà partagées ou en gestation dans le peuple lui-même.

Nous voulons mener une véritable campagne publique sur de grands axes de propositions que nous entendons travailler avec les citoyens eux-mêmes, pour une transformation de la République fondée sur trois piliers : la démocratie politique, la démocratie sociale, la démocratie participative.

Le fil conducteur d’une démocratisation de la République est, dans tous les domaines, le développement considérable des droits et pouvoirs des citoyens par :

  • des assemblées élues représentatives de la diversité de notre peuple, de ses différentes sensibilités (proportionnelle, droit de vote et éligibilité des immigrés, statut de l’élu...) et dotées de pouvoirs effectifs ; un Parlement maître de son ordre du jour, ayant la prééminence sur l’exécutif dans tous les domaines au niveau national et européen (budget, débats et votes sur les grandes questions),
  • la légitimation de l’initiative citoyenne par sa prise en compte organisée dans les assemblées élues localement et nationalement,
  • la reconnaissance de l’intervention directe des citoyens dans la vie publique par un développement réel de la démocratie participative (avec des moyens financiers, des outils, des espaces) du « local au mondial »,
  • la reconnaissance effective de leurs droits économiques et sociaux par des obligations de service public,
  • la reconnaissance de la citoyenneté à l’entreprise et l’organisation des pouvoirs effectifs des salariés,
  • une conception de la décentralisation synonyme de démocratisation et d’égalité sur tout le territoire, à l’inverse de la mise en concurrence et de l’instauration de féodalités,
  • la garantie de l’indépendance et de l’égalité des citoyens devant la justice,
  • la garantie de l’expression du pluralisme des opinions et des partis politiques dans la presse et les médias.
    La démocratisation radicale des institutions est un enjeu majeur. Il ne peut y avoir de changements valables sans un réel partage des pouvoirs.

Nicole Borvo Cohen-Seat

Ancienne sénatrice de Paris et présidente du groupe CRC

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