Le traité constitutionnel européen aurait pu insuffler une nouvelle dynamique pour la construction européenne, en consacrant l’acte de naissance d’une Europe des citoyens, d’une Europe sociale.
Malheureusement, ce traité constitutionnel s’inscrit dans la longue tradition des traités européens. Il sacralise les politiques libérales qui ont été menées jusqu’ici et dessine un projet de société où règne la loi des marchés financiers.
Ce traité constitutionnel ne remet en cause aucun des principes sur lesquels le Marché unique s’est construit, depuis maintenant un demi-siècle, et qui a conduit à l’impasse du discours et des politiques libérales.
Certes, le texte n’ignore pas des thèmes importants, tels que la citoyenneté, les droits fondamentaux et la politique sociale. Cependant ces volets restent lacunaires et insuffisants. Surtout, ils sont loin de se substituer aux principes directeurs libéraux de la construction européenne.
Ils demeurent des éléments pour le moins secondaires et accessoires, évoqués pour tenter de masquer le vrai visage de ce texte.
Tout le « noyau dur » du traité de Maastricht est repris et pérennisé dans le traité constitutionnel : la libéralisation totale des mouvements de capitaux, l’ouverture obligatoire de tous les services publics et toutes les entreprises publiques à la concurrence, une Banque centrale européenne indépendante du pouvoir politique et ayant pour seule mission de rendre crédible la zone Euro aux marchés financiers, la marchandisation de toutes les activités humaines, des critères de convergence visant à réduire les dépenses sociales et publiques.
Nous ne connaissons que trop bien les conséquences sociales de cette utopie libérale : développement du chômage, de la précarité, de la flexibilité, des délocalisations. Bref, cette Europe libérale que l’on nous propose de graver dans le marbre constitue une véritable consécration de l’injustice sociale.
La question d’un nouveau projet politique, économique et sociale est donc posée. Nous sommes face à un choix de société.
Il est important de comprendre que ces choix politiques sont inscrits dans un texte qui ne pourra être amendé qu’à l’unanimité des Etats membres, ce qui signifie, de fait, que la clause de révision est inapplicable. Dès lors, ce traité constitutionnel engage les Etats membres et les citoyens pour une durée indéterminée.
C’est pourquoi il faut agir dès maintenant en empêchant son adoption définitive. A ce titre, les référendums organisés en France, mais aussi dans d’autres Etats membres, devraient permettre de redonner la parole au peuple souverain. Cette perspective ouvre ainsi un débat auquel nous devons prendre part pleinement, en tant que force de propositions et d’alternatives. Ce débat qui transcende les clivages politiques habituels, peut créer une dynamique nouvelle, face au bloc des libéraux de droite ou de gauche et autour d’une alternative politique rassemblant toutes les forces qui souhaitent, comme nous, opposer un « non » démocratique et populaire au traité constitutionnel. Un « non » de gauche, en rupture avec le système libéral, qui puisse traduire dans les urnes ce que les mobilisations sociales et altermondialistes de ces dernières années ont exprimé avec le soutien de la majorité de la population.
Ce « non » ne met pas l’Europe en danger, comme les partisans du « oui » le clament pour effrayer les citoyens.
De toute façon, le traité, s’il est approuvé, ne s’appliquera qu’en 2009, et jusque-là, c’est le traité de Nice qui continuera d’être appliqué. Il peut permettre de voir grandir de nouveaux possibles.
Expliquons bien la signification politique de notre position : ce choix du « non » est une chance, c’est un « non » constructif, qui permet d’ouvrir une alternative au projet de société que l’on nous propose. Si la France dit « non », et bien on pourra rediscuter des modalités du traité. On pourra l’améliorer dans l’intérêt des peuples.
Notre refus n’est pas un refus anti-européen, cela n’entame en rien notre engagement pour l’Europe des peuples, démocratique, de progrès social, de coopération et de paix.
Il s’agit de saisir l’occasion de proposer une autre Europe. Une Europe du progrès social, qui refuse la pression patronale et financière en proposant une élévation du niveau des droits pour tous. Une Europe de l’égalité des droits, de l’accès à la citoyenneté, de la mise hors marché des secteurs vitaux de la santé, de l’énergie, de l’eau, de l’éducation, de l’alimentation et de la culture. Une Europe de la sécurité de l’emploi et de la formation qui choisit de mettre fin au chômage et à la précarité.
En somme, construisons une alternative à l’Europe du capital, une Europe sociale et citoyenne.
Construisons une Europe de la démocratie, solidaire, tournée vers le monde, attachée à nouer des coopérations avec les autres pays, engagée dans une démarche de co-développement durable et responsable.
Le projet européen n’a de sens que s’il propose une alternative à la mondialisation libérale, à la toute puissance américaine, à cette hégémonie dominée par une conception sécuritaire.
En effet, face aux ravages de la mondialisation libérale, et à la politique unilatérale, dominatrice et irresponsable des dirigeants américains. Face au monde unipolaire né de la fin de la guerre froide, l’Europe a un défi historique à relever. L’Europe qui devait en théorie être un instrument de lutte contre la mondialisation libérale en constitue aujourd’hui, en réalité, un relais efficace. Cet asservissement au libéralisme économique va de pair avec l’inféodation militaire et diplomatique aux Etats-Unis. Or, là encore, l’Europe aurait du être un instrument d’un rééquilibrage mondial face à la superpuissance américaine.
Ce rééquilibrage est possible, la construction européenne est à un tournant de sont histoire, il nous appartient d’agir afin d’établir une Europe favorable à la solidarité entre les habitants de notre planète, à la justice sociale et économique, à la suppression de la dette des pays pauvres...
En opposition à la logique de la mondialisation libérale, nous affirmons que le rapport de l’Union européenne aux Etats émergents ne doit pas reposer sur un simple rapport marchand, défavorable aux plus faibles. L’Europe ne doit pas se constituer en club de riches. Les pays du Sud ont besoin de coopérations avec l’Union européenne qui ne se réduisent pas à des accords de libre échange. C’est une conception d’un autre monde dont il s’agit, un monde fondé sur la coopération et sur le développement durable.