Mesdames et Messieurs les Maires de France,
Hier dimanche 16 novembre, la majorité sénatoriale a adopté le projet de loi relatif aux Responsabilités locales, l’acte II de la décentralisation libérale de M. RAFFARIN.
L’examen du texte a été bâclé selon les exigences du gouvernement qui a même obtenu le retrait de plusieurs dizaines d’amendements émanant de groupes d’élus de la droite sénatoriale.
Cette précipitation, le travail non achevé d’un Sénat qui se veut représentant des collectivités territoriales, accentue le caractère « fourre-tout » de ce projet de loi dont la cohérence es difficile à percevoir au-delà de l’opération de délestage massif de l’Etat vers les collectivités territoriales.
La cohérence existe pourtant, au sein de ce texte et avec l’ensemble de la politique du gouvernement.
Ce projet de loi est en effet marqué du sceau du libéralisme.
Son objectif c’est la remise en cause de la conception républicaine des services publics. Cette conception est fondée sur l’égalité entre les citoyens, où qu’ils vivent, sur le territoire national. Avec le projet de M. RAFFARIN, il ne fera pas bon habiter dans une région, un département ou une commune en difficulté.
Cette conception républicaine est également fondée sur l’idée de l’unicité.
Les grands services publics nationaux, santé et protection sociale, éducation, logement, transport, tirent leur force d’une philosophie solidaire définie à l’échelle de la nation.
Eclater les responsabilités, c’est briser cette unicité, c’est favoriser l’inégalité et la mise en concurrence des territoires dans une optique parfaitement libérale.
Le projet de loi, massif, 126 articles, dix titres, s’est avéré être un véritable patchwork.
Mais du chapitre concernant l’action économique, à celui concernant l’intercommunalité en passant par ceux relatifs à la voirie, aux transports, à la santé, l’action sociale, le logement, l’éducation ou la culture, c’est bien l’éclatement du service public à la française qui constitue le fil rouge du projet de loi. Cet éclatement concerne également les personnels dont la dilution du statut est programmée.
M. RAFFARIN affirme qu’au nom du principe de subsidiarité, les collectivités territoriales seront les mieux placées pour répondre aux exigences des Françaises et des Français.
C’est un leurre. La réalité, c’est que cette décentralisation poursuit aussi un objectif immédiat, la réduction des dépenses publiques qui constitue le plus sûr moyen pour parvenir à l’objectif à long terme : livrer le service public au marché, ou le tuer. Qui peut imaginer que les élus locaux puissent faire face ? Fatalement, ils auront le choix entre fermer des services, augmenter les impôts ou privatiser ? La solution proposée par le projet de loi de multiplier les péages pour gérer le transfert de la voirie est un exemple concret de cette dérive à venir.
Le gouvernement ne respecte pas la Constitution qu’il a lui-même fait voter : la concomitance entre transfert de compétences et transfert de ressources aux collectivités territoriales devait prévaloir.
Or, de l’aveu même du Premier Ministre, le 28 octobre dans l’hémicycle du Sénat, le montant des dépenses transférées devra être évalué dans les mois à venir.
La messe a été dite : on transfert aux collectivités des charges aussi lourde que 15 000 kms de voirie ou 100 000 TOS, sans indiquer à ceux qui les votent, les conséquences financières de leur décision.
Le procédé confine à la manœuvre.
Comment d’ailleurs faire confiance à un gouvernement qui avait promis aux partenaires sociaux de ne pas décentraliser les médecins scolaires et qui, par l’intermédiaire de sa majorité, revient dès la première occasion sur ses engagements en acceptant un amendement du Sénat ?
Mesdames et Messieurs les Maires de France, le projet de loi qui vient d’être voté, dans la douleur et l’inquiétude par la majorité sénatoriale, est un projet dangereux pour notre peuple.
Il vise à adapter l’architecture institutionnelle de notre pays à la restauration libérale qui s’abat sur l’Europe et sur notre pays. Il est significatif que les communes soient les grandes absentes des articles, chapitres et titres du projet.
Elles constituent en effet un maillage de solidarité et de démocratie qui s’oppose de fait à la logique libérale qui tend à briser toute résistance sociale.
La commune est dans le collimateur de ceux qui rêvent d’une organisation territoriale répondant aux exigences du grand marché européen.
Votre Congrès intervient à un moment important du débat sur ce projet de loi qui sera examiné à la fin du mois de janvier par l’Assemblée Nationale.
Plusieurs semaines permettront à chaque personne attachée à une conception républicaine et démocratique du service public, de se mobiliser, de mobiliser autour de soi, élus, usagers et salariés, pour empêcher que l’acte II de M. RAFFARIN ne devienne le dernier acte de la solidarité dans notre pays.
Les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen tenaient à vous alerter, Mesdames et Messieurs les Maires, sur ce projet de loi de transfert de compétences qui, loin de développer la démocratie de proximité, l’émiette et la menace.