Les parlementaires communistes remettent un mémorandum à Jean-Pierre Raffarin

Publié le 15 avril 2004 à 00:00 Mise à jour le 8 avril 2015

par Marie-George Buffet, Nicole Borvo et Alain Bocquet

Les 21 et 28 mars derniers, les Françaises et les Français ont, dans le cadre des scrutins régional et cantonal, appelé de leurs vœux un changement de politique. Ils sont une large majorité à avoir sanctionné le gouvernement, et à s’être rassemblés dans l’exigence d’une réorientation de fond des choix jusqu’ici mis en oeuvre comme de ceux en projet, à l’exemple du démantèlement de la sécurité sociale et de la décentralisation.

La décision rapidement prise par le Président de la République, de maintenir le cap et de confirmer le Premier ministre dans ses responsabilités, témoigne d’une totale absence d’écoute du message délivré par nos concitoyens.

Car depuis bientôt deux ans, la politique du gouvernement menée à grand train, conformément aux volontés conjointes du chef de l’Etat et du MEDEF, a conduit le pays au bord de la récession et favorisé l’appauvrissement général d’une grande partie de nos concitoyens.

Privilégiant la Bourse, le capital, le jeu des placements financiers des entreprises, elle n’a fait qu’accompagner et accélérer plans sociaux, délocalisations et fermetures d’entreprises, déstructurant ainsi la vie de centaines de milliers de salariés, de jeunes, de retraités, de leurs familles et de l’ensemble de la population des régions concernées.

Une revendication forte de justice sociale vient de s’exprimer dans les urnes, portant pour cela exigence de réformes progressistes et humaines. C’est un appel à entendre les 60 millions de Français plutôt que les 170 000 adhérents de l’organisation professionnelle patronale.

Le Parti communiste français, les parlementaires communistes, ont entendu ce message. Ils sont disponibles et déterminés pour faire aboutir les attentes exprimées ; ce qui passe d’abord par la remise en cause des lois prises par le gouvernement depuis juin 2002, structurant une société libérale et qui se sont traduites par une régression des valeurs sociales et des solidarités. Et pour cela, il est urgent que soit mise en œuvre une politique résolument tournée vers le monde du travail, de l’école, de la formation et de la création, au service du progrès et de la croissance.

C’est ainsi que doivent être retenus prioritairement les points suivants :

  • Suspendre l’application de plusieurs lois : réforme des retraites ; décentralisation du RMI et création du RMA ; réforme de l’allocation spécifique de solidarité (ASS) ; indemnisation du chômage (suspension de l’agrément de la convention UNEDIC) ; régime d’indemnisation des intermittents du spectacle ; réforme du dialogue social ;
  • Retirer de l’ordre du jour du Parlement la discussion du projet de loi relatif aux responsabilités locales, dit de décentralisation, qui met en cause l’unité des territoires, l’égalité entre les citoyens, la solidarité nationale et démantèle les services publics, afin d’ouvrir le dialogue avec les élus territoriaux, les responsables locaux, les personnels visés par les transferts de compétences et leurs représentants syndicaux. Mais aussi, pour organiser les conditions financières de cette décentralisation ;
  • Mettre un terme au processus de privatisation dans l’industrie et les entreprises publiques (Air France, EDF-GDF, SNECMA, GIAT, La Poste, France Télécom, Aéroports de Paris…) ;
  • Revenir sur toutes les décisions relatives à la rentrée scolaire : annulation des suppressions de milliers de postes d’enseignants et des fermetures de classes ; revalorisation de la condition étudiante… ;
  • Remettre à plat la loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité (dite loi Perben II) qui réunit contre elle le monde du droit et de la justice et fait peser des risques sur les libertés ;
  • Mettre en place un collectif budgétaire pour répondre aux priorités sociales du pays qui viennent de s’exprimer largement, reprises dans le présent mémorandum, et revenir sur les différentes « niches fiscales » accordées aux plus aisés (impôts sur le revenu des deux tranches les plus hautes, impôt de solidarité sur la fortune (ISF), exonération de cotisations patronales…) ; réformer la fiscalité pour relancer le pouvoir d’achat des catégories modestes, favoriser la croissance, condition indispensable de l’assainissement des finances publiques ;
  • Faire de l’emploi la priorité en organisant une concertation nationale et en abandonnant tout projet fondé sur les conclusions du rapport de Virville ;
  • Inscrire à l’ordre du jour prioritaire de l’Assemblée nationale, et accepter la mise en discussion des deux propositions de loi des député-e-s communistes et républicains relatives à la lutte contre les délocalisations et contre l’emploi précaire ;
  • Ouvrir le dialogue avec les organisations syndicales et les associations sur les conditions de financement du risque dépendance et perte d’autonomie. Redéfinir le plan dépendance pour qu’il réponde aux attentes réelles. Cela passe naturellement, par l’abandon de la suppression d’un jour férié et de la création de la caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) qui vient percuter les principes fondamentaux de notre sécurité sociale ;
  • Dégager une enveloppe financière en faveur de l’hôpital pour lui permettre de garantir l’égalité d’accès de tous aux soins. Cela suppose aussi le retrait du plan hôpital 2007 ;
  • Permettre le débat en toute transparence sur la réforme de l’assurance maladie. Prendre en compte toutes les propositions alternatives de financement pour venir accroître les ressources de la sécurité sociale (création d’une contribution sociale sur les revenus financiers, réforme de l’assiette des cotisations patronales, dettes patronales…) ;
  • L’ensemble de ces propositions exigent de remettre en cause, au niveau européen, le pacte de stabilité ainsi que la place et le rôle de la Banque centrale européenne ; contester les politiques ultralibérales imposées par les Traités de Maastricht et d’Amsterdam qui imposent le primat de la concurrence et sanctifient la libre circulation des capitaux.

Ces points ainsi dégagés, répondent aux propos lancés par le Président de la République : « Entendre le message sorti des urnes ». L’heure n’est vraiment pas à l’ignorance du signal adressé il y a trois semaines, ni à pousser les feux des réformes libérales, sinon à vouloir jouer dangereusement avec la démocratie. Il est temps d’engager des réformes de progrès social et de développement économique.

Nicole Borvo Cohen-Seat

Ancienne sénatrice de Paris et présidente du groupe CRC

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