Les dangers de la future réforme de l’école

Publié le 29 septembre 2004 à 11:59 Mise à jour le 8 avril 2015

Intervention d’Annie David aux journées d’étude des parlementaires communistes et partenaires

Cher(e)s Ami(e)s, Cher(e)s Collègues

Après s’être attaqué à la Constitution, aux retraites, à l’assurance maladie, le gouvernement s’apprête à réformer notre système éducatif. Le président Chirac n’avait-il pas annoncé que la réforme de l’école ferait partie de ses grands chantiers ? Nous y sommes, comme l’a d’ailleurs rappelé dernièrement Raffarin, avec son contrat pour la France, promettant de "nouvelles orientations pour garantir un parcours de réussite pour chaque élève".

Cependant l’Education Nationale a besoin d’une transformation, il faut refonder la culture commune et la citoyenneté, répondre au constat inacceptable de l’échec scolaire, aux fins d’études sans diplôme, comme il faut répondre aux enseignants en détresse face à un métier qu’ils n’arrivent plus à appréhender de manière satisfaisante, aux personnels IATOSS, toujours inquiets face à la décentralisation, ainsi qu’aux parents d’élèves, demandeurs d’un meilleur partenariat avec l’école. Je ne citerai qu’un seul chiffre : 130000 emplois dans l’emplois dans l’Education Nationale. Nous devons être aux côtés de ces salariés pour répondre à ce besoin de transformation.

Pour nous, toute la question est de savoir quelle école nous voulons pour nos jeunes et pour notre pays, et dans quelle société.
Au regard des précédentes réformes, qui n’ont été que régressions sociales, et comme le suggèrent les propositions libérales et régressives de la commission Thélot, le projet de loi du gouvernement sera sans nul doute aux antipodes de l’école que nous voulons. ( Déclaration de Lisbonne citée dans le chapitre sur l’Europe)
Aussi, il nous faut agir vite, le gouvernement ayant avancé son calendrier, le projet initialement prévu pour le printemps 2005 devrait nous arriver au parlement dès janvier/février 2005.

D’ailleurs, les socialistes en ont déjà pris conscience et cela dès le mois de janvier 2004 puisque le journal « Le Monde » titrait dans son édition du 21 janvier « Le PS réfléchit à un projet éducatif pour juin 2005 ». Ce dernier sera très certainement piloté par Strauss-Kahn, le dernier colloque qu’il a organisé le 11 septembre à la Sorbonne sur le thème de « Rendre l’école plus juste », le laisse en tout cas présager.

C’est pourquoi, en collaboration avec notre collectif national, nous sommes en cours d’élaboration d’un projet politique pour l’école, que nous avons diffusé le plus largement possible et que nous avons soumis au débat lors de la fête de l’Humanité.

Ce projet, nous l’avons voulu progressiste et sa qualité principale vient du fait qu’il a été nourri, et il continue de l’être, par toutes celles et ceux qui ont à cœur de défendre un système éducatif national, efficace et équitable.
Mais le travail n’est pas terminé, loin de là ! Si l’élaboration de ce projet est un préalable nécessaire et utile à notre travail de parlementaire, il nous faut désormais en dégager les propositions que nous souhaitons voir porter, de manière claire et concise. Nous devons le rendre intelligible, le mettre à la portée de tous nos concitoyens !

Je voudrais vous donner quelques-unes des propositions incluses dans ce texte :

  • la gratuité effective de l’école (transports, cantines, manuels scolaires,….) non pas comme une finalité, mais pour donner à tous une véritable égalité des chances, c’est à mon sens un préalable indispensable à la réduction des inégalités scolaires.
  • la création d’un observatoire des inégalités, pour parvenir à une égalité d’accès aux savoirs sur l’ensemble du territoire et ainsi résorber les inégalités tant scolaires que géographiques, et pour rechercher les causes des difficultés.
  • la constitution d’un groupe de travail représentatif de l’ensemble des acteurs du monde de l’éducation pour définir le contenu de la culture commune, exigence sociale et nécessaire au vivre ensemble pour toute la communauté ; non pas en terme de SMIG culturel, cette culture doit être au contraire, une conception élargie de la démocratisation, dans et par l’école et nous ne devons pas laisser cette définition à quelques experts.
  • au-delà de cette qualité d’enseignement et d’égalité d’accès, il faut s’assurer de l’égalité des acquis : nous proposons pour y arriver la création de structures de soutien et la mise ne œuvre de pratiques pédagogiques diversifiées, au sein de l’éducation nationale.
  • l’allongement de la scolarisation et la scolarisation des enfants de moins de 3 ans ; sujet sur lequel il y a encore beaucoup de discussions en cours ;
  • l’augmentation des postes aux concours, qui permettrait la réduction des effectifs par classe
  • la revalorisation du métier d’enseignant et l’amélioration des conditions de travail de l’ensemble des personnels de l’éducation nationale. Or on assiste au contraire à une précarisation et à des difficultés grandissantes de ce métier.
    Ce ne sont que quelques pistes, nous n’aurons pas forcément le temps aujourd’hui d’en discuter, mais je voulais vous les soumettre.
    Aussi, je profite de cette journée pour vous proposer que nous discutions de la mutualisation de nos forces sur ce texte, et de la manière dont on peut travailler.
    Dans l’idéal, nous devrions nous atteler à l’élaboration d’une proposition de loi alternative, comme nous avons été capables de le faire pour les retraites, pour la sécu.
    En effet, l’exigence d’une nouvelle loi, avec pour objectif une école de la réussite pour tous, au sein de l’éducation nationale, de la maternelle à l’enseignement supérieur, se fait ressentir avec force, en réplique au dogme libéral et en réponse à la nécessité d’assurer à tous un droit égal d’accès aux savoirs existants.
    Je ne vous rappellerai pas que le libéralisme est à l’œuvre plus que jamais car désormais, et c’est bien là l’enjeu de l’Accord Général sur le Commerce des Services signé en 1994, il s’attaque à des biens publics tel que l’éducation et la santé, rangés dans la liste des services potentiellement offerts à la concurrence internationale. Cette conception de l’école marchande se retrouve également formulée par les grandes organisations comme le FMI, la Banque mondiale, l’OCDE ou encore la commission européenne. Selon elles, le nouvel ordre économique impose un nouvel ordre éducatif mondial, pour lequel ces organisations prescrivent un agenda et une conception de l’école adaptée à cette nouvelle exigence.

En outre, l’éducation est perçue par les industriels comme un nouvel Eldorado, une manne financière ; on parle de « marché » de l’éducation. Mais l’école est également perçue comme un fournisseur de main d’œuvre, compétente et flexible. Les différentes réformes proposées par le gouvernement n’ont eu de cesse de vouloir ajuster l’école aux nouvelles exigences du capitalisme.

J’en reviens au contrat de Raffarin, et à son objectif de « faire réussir tous les élèves » ; nous n’entendons pas la même chose que lui. Pour nous, la réussite n’est pas simplement « trouver un emploi à n’importe quel prix », cela va bien au-delà.
Notre ambition est de permettre à nos jeunes de devenir des citoyens libres et égaux, capables d’intervenir dans les choix de la société, d’agir sur le monde et pour cela nous devons nous assurer que tous les élèves s’approprient ce qui est enseigné dans nos établissements scolaires, ces enseignements ne devant pas s’assimiler à un SMIG culturel, mais au contraire à des savoirs et une culture de haut niveau.

Il n’est qu’à voir les conflits actuels pour se rendre compte que l’école doit permettre à chaque citoyen de mieux appréhender toutes les cultures…L’école doit aussi être un facteur de paix.

Je ne terminerai pas sans un mot sur les inégalités profondes de notre société. On ne peut envisager une démocratisation scolaire efficace sans traiter les maux de la société qui ont pour nom, chômage, insécurité, misère…
Je ne mentionnerai qu’un seul chiffre, rappelé hier par Alain Bocquet dans son introduction de nos journées, celui du CERC, (conseil de l’emploi, des revenus et de la cohésion sociale) :
1 million d’enfants vit en France sous le seuil de pauvreté, et un constat, le lien étroit entre l’échec scolaire et la situation économique et sociale des parents !

On voit bien là tout l’enjeu d’un véritable projet politique pour l’école de la réussite que nous devons être en capacité de proposer, c’est un véritable enjeu de société qui ne peut d’ailleurs être déconnecté de notre projet pour une autre société, projet que nous porterons dans la bataille sur la constitution européenne.

Vous le voyez, nous avons matière à élaborer une proposition de loi alternative, faut-il encore que l’on s’en empare, que chacun d’entre nous soit convaincu de sa nécessité, et qu’ensemble, on se donne les moyens de réussir, comme nous avons su le faire par le passé, pas si lointain, pour les retraites, la sécu, et pour d’autre grands sujets de société

Annie David

Ancienne sénatrice de l'Isère
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