Le groupe CRC, une voix différente au Sénat

Publié le 27 septembre 2004 à 11:09 Mise à jour le 8 avril 2015

Un entretien de Nicole Borvo, présidente du groupe CRC, publié dans l’Humanité au landemain des élections sénatoriales

  • Quelle est votre appréciation sur ces résultats ?

Nicole Borvo. Les communistes retrouvent leurs sièges partout où ils étaient renouvelables et gagnent deux sièges dans deux nouveaux départements : l’Essonne et la Seine-et-Marne avec l’élection de Bernard Vera et de Michel Billout. Je suis donc très satisfaite et très contente de voir que les candidats communistes qui étaient des candidats de terrain ont été reconnus et appréciés par les élus locaux. Ils ont ainsi permis de gagner.

  • Le Sénat restera après cette élection une chambre âgée, masculine, dont la majorité politique à droite apparaît immuable. N’est-il pas en décalage avec la réalité du pays ?

Nicole Borvo. Ce décalage tient à son mode d’élection. Les communes rurales peu peuplées sont surreprésentées par rapport aux communes urbaines et le renouvellement par tiers bloque la répercussion des changements politiques dans le pays. Il est anormal qu’en France une assemblée soit élue selon un mode de scrutin aussi peu démocratique.

  • Le groupe communiste du Sénat n’est-il pas un peu atypique, en particulier par le nombre des femmes qui le composent ?

Nicole Borvo. À l’époque où il y avait 18 femmes sénatrices, 6 étaient communistes. Et dernièrement pour 321 sièges, on comptait 33 sénatrices dont 11 communistes. De plus, deux femmes se sont succédé à la présidence du groupe. Nous avons essayé de faire entrer la parité dans cette assemblée où les hommes, il faut bien le dire, font tout pour la contourner. Et cela va encore être le cas cette fois (1).

  • Quelles sont les attributions les plus importantes du Sénat ?

Nicole Borvo. Il contribue à l’élaboration de la loi comme l’Assemblée nationale. Avec pour seule différence que l’Assemblée nationale tranche en dernier ressort. Le droit d’amendement, de proposition est le même pour les sénateurs et les députés. Le Sénat joue donc un rôle législatif important. Le fait qu’il soit toujours à droite pèse sur la loi dans un sens conservateur.

  • Vous êtes très critique. Êtes-vous pour la suppression du Sénat, pour sa transformation ?

Nicole Borvo. Depuis longtemps nous proposons une réforme très importante du Sénat. D’une part en modifiant son mode de scrutin pour qu’il soit représentatif de la majorité des citoyens, d’autre part en lui donnant des attributions différentes de l’Assemblée nationale. La France n’est pas un pays fédéral et n’a pas besoin d’une représentation d’États ou, comme en Allemagne, de Landers. Et nous sommes d’ailleurs opposés à une régionalisation dans ce sens.

Nous proposons donc que le Sénat ait un rôle d’initiative, qu’il permette aux collectivités territoriales (conseils municipaux, conseils régionaux, conseils généraux) et aux citoyens de faire des propositions, de demander des débats parlementaires qui pourraient donner lieu à des propositions législatives. Ce que la droite a fait l’an dernier n’est qu’une réformette pour avoir l’air moins archaïque : il n’était plus supportable que le mandat de sénateur reste de neuf ans et que le corps électoral soit celui qui résultait du recensement de 1965. Mais elle a refusé d’enlever au Sénat ce rôle conservateur qu’il a depuis le début.

  • Quelle peut être, dans ce cadre, l’action de votre groupe ?

Nicole Borvo. Dans cette Assemblée vraiment très réactionnaire, le groupe communiste fait entendre la voix des salariés, de la population, et bien évidemment il continuera à le faire. Il a pris des initiatives importantes.

Par exemple, les premiers débats sur la décentralisation ayant eu lieu au Sénat, nous avons alerté sur des risques majeurs à un moment où cela paraissait peu clair pour la population. Avec cette bataille est montée la prise de conscience que la pseudo-décentralisation Raffarin était en réalité une déstructuration de l’unité nationale. Le gouvernement a fait voter cette loi au forcing avec le 49-3 mais beaucoup de résistance s’exprime aujourd’hui dans le pays et nous y avons contribué.

Nous avons aussi proposé la journée des droits de l’enfant en menant une grande bataille pour qu’elle finisse par être votée. Depuis longtemps notre groupe a une activité importante pour la défense des droits des personnes et quelquefois il est possible, sur ces questions, de trouver des majorités. Cela a ainsi été le cas lorsque nous avons fait voter la reconnaissance du génocide arménien.

Entretien réalisé par
Jacqueline Sellem

Nicole Borvo Cohen-Seat

Ancienne sénatrice de Paris et présidente du groupe CRC

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