Monsieur le Président,
Vous venez de déposer, avec les présidents de groupe de la majorité sénatoriale, une proposition de loi tendant à « actualiser » le règlement de notre assemblée.
Je dois vous avouer mon étonnement quant à la méthode utilisée par la préparation et l’organisation de ce débat.
Dès le 21 novembre 2003, je vous avais écrit après avoir appris, par voie de presse, qu’une telle réforme se préparait.
Je vous indiquais alors « qu’il ne serait pas acceptable que cette préparation soit de l’unique ressort de la majorité parlementaire. »
J’avais, par ailleurs, saisi le président de la Commission des Lois d’une demande de concertation préalable sur ce projet.
Le respect du pluralisme, le respect de l’opposition par la majorité exigeait une préparation commune, une confrontation des opinions avant toute rédaction.
Lors de votre réponse du 3 décembre dernier au courrier précité, vous fixiez un cadre à une éventuelle réforme cadre qui n’a pas été respectée puisque, par exemple, vous proposez une procédure d’examen simplifiée des projets de loi particulièrement étendue. Contrairement aux procédures abrégées existantes, les groupes n’auront plus la possibilité de s’opposer à la mise en œuvre d’une restriction des débats. Cette proposition apparaît comme un véritable 49-3 majoritaire.
Par ailleurs, vous restreignez le droit d’expression des groupes à l’occasion des débats sur les motions tendant à soumettre un texte au référendum.
Vous proposez également de réduire le champ d’exercice des motions de renvoi en commission.
Cette réforme devait être, je vous cite, Monsieur le Président, « déposée et examinée par la Commission des Lois ». Il n’en est rien. Il s’agit d’une initiative, sous votre égide, de la majorité sénatoriale.
L’opposition est mise devant le fait accompli. La droite sénatoriale qui, du fait du mode de scrutin ne craint pas l’alternance, ne place pas le droit des groupes au cœur du fonctionnement du Palais du Luxembourg. C’est la Conférence des Présidents, donc la majorité, qui dispose de tous les droits, du droit d’imposer, du droit de concéder.
Je conteste, avec mes amis du groupe communiste républicain et citoyen, cette conception autoritaire des rapports politiques au sein du Parlement. Ce n’est pas d’une actualisation dont a besoin le règlement du Sénat, mais d’une véritable démocratisation, comme l’ensemble de nos institutions.
Je regrette solennellement, Monsieur le Président, que s’agissant d’une réforme significative, les groupes de l’opposition aient été tenus écartés de la procédure d’élaboration, contrairement à ce qui avait été le cas au sein du groupe de travail sur la réforme de l’institution sénatoriale présidé par Monsieur HOEFFEL dont les conclusions furent rendues publiques en 2002.
Je vous demande donc, Monsieur le Président, d’organiser une réunion des présidents de groupe avant toute mise en discussion, en Commission des Lois comme en séance publique, de la proposition de loi concernée.
Je vous prie, Monsieur le Président, de bien vouloir agréer l’expression de ma considération distinguée.