Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale 2008 s’inscrit dans l’accélération sans précédent de la politique antisociale du gouvernement : le "paquet fiscal", cadeau supplémentaire de près de 14 milliards aux plus riches ; la remise en cause du droit de grève dans les transports publics ; les réductions massives d’emplois dans la fonction publique d’État ; la refonte du contrat de travail instaurant une précarisation généralisée...
Le ton a été donné dès juillet, lorsque le gouvernement, avec le soutien du MEDEF, a validé le plan de redressement d’urgence de l’Assurance maladie, soit la réalisation d’une économie de 1,225 milliard en année pleine et de 417 millions d’euros d’ici à la fin de l’année... dont 350 pris dans la poche des assurés sociaux avec notamment :
Baisse du taux de remboursement pour les patients dépourvus de médecin traitant ;
Déplafonnement du forfait de 1 euro par acte et consultation ; il serait porté de 1 à 4 euros par jour ;
Limitation du recours aux transports médicalisés ;
Généralisation de la suppression du tiers payant en cas de refus d’un générique ;
Et, bien sûr, poursuite de la culpabilisation des assurés avec un renforcement des contrôles sur les arrêts de travail.
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 constitue le deuxième étage de la fusée, le troisième étant attendu pour l’après municipales ! C’est un budget d’attente.
Le déficit prévisionnel à la fin de l’année devrait avoisiner les 12 milliards d’euros.
Il se décompose comme suit :
Branche maladie : - 6,2
Branche ATMP : - 0,4
Branche famille : - 0,5
Branche vieillesse : - 4,6
Total : - 11,7 milliards
Dans le même temps, la dette de l’État à la Sécurité sociale s’élève à 6,5 milliards. A noter qu’il est prévu de la compenser à hauteur de 5,1 milliards seulement.
Une prévision à minima qui pourrait bien atteindre les 14 milliards si l’on intègre comme le gouvernement se garde de le faire les fonds de financement : le FIPSA (régime agricole également déficitaire)et le FSV.
Cela fait ainsi quatre ans que l’ensemble des branches est déficitaire et cela confirme ce que nous pointions déjà du doigt en 2006, à savoir l’inefficacité du Plan Douste-Blazy qui devait limiter l’augmentation des dépenses de santé à 4 milliards, pour au final, atteindre un peu plus de 6 Milliards.
Dans sa récente intervention, Nicolas Sarkozy à dit vouloir faire émerger un nouveau contrat social dont le maître mot serait la responsabilisation, celle des salariés et des usagers, celle des professionnels de santé et bien sûr pas celle du MEDEF dont on sait qu’il inspire une grande partie de la politique antisociale du gouvernement.
C’est sans surprise que nous prenons connaissance des principales orientations pour ce projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Au même moment, la Cour des Compte rendait public son traditionnel rapport sur le financement de la sécurité sociale. Nous pouvons noter que certaines de ses recommandations donnent potentiellement de l’ampleur à nos propositions telle que la taxation de tous les produits du travail, comme les revenus boursiers.
Philippe Seguin, son président, souligne par exemple le manque à gagner considérable que représente la non taxation des stocks-options. Une perte financière estimée à 3 milliards. A ces trois milliards convient-il encore de rajouter 3 milliards d’euros de perte de recettes liées à l’exonération des indemnités de licenciements autrement appelés « Parachute dorés ».
Venons-en au contenu du PLFSS pour 2008, même si nous n’en connaissons pas encore toute l’étendue.
1/ L’instauration des franchises médicales
Avec les franchises médicales de 50 cts d’euros par acte (pour un plafond maximum annuel envisagé de 50 euros) le Président SARKOZY entend mettre une nouvelle fois à contribution les malades. « Qui ne peut pas payer 4 euros par mois ? « disait récemment Mme Roselyne Bachelot, traduisant bien l’arrogance de ce gouvernement. Certes, les mutuelles devraient être autorisées à les rembourser. Cela leur coûterait 13 à 18 euros par assuré, rien que pour les 50 cts sur la boîte de médicament, soit, à terme, une augmentation des cotisations estimée à 4 %.
Mais ce plan se différencie largement du Plan Cancer par exemple, dans la mesure où, et c’est une première, ce ne sont pas tous les français qui participent à son financement, mais bien les malades à raison d’un surcoût sur leurs actes médicaux. C’est une manière d’introduire une modification sans précédente dans la tradition française qui se fonde sur la solidarité nationale entre malades et bien-portants.
Les franchises, c’est punir les gens qui sont malades.
Et le fait que Sarkozy prétende affecter le rendement attendu, environ 800 millions d’euros, à son grand plan de lutte contre la maladie d’Alzheimer cache mal le choix idéologique dont il s’agit là.
Enfin et surtout, il annonce clairement son intention de voir financer par les systèmes de couverture privés la protection sociale. Il l’a évoqué explicitement dans son discours du 18 septembre dans le chapitre consacré à la dépendance.
2/ La « réforme » des régimes spéciaux.
Autre chantier présidentiel que le gouvernement devra examiner rapidement : la réforme des régimes spéciaux de retraites.
Pour le Président, il s’agit d’en finir avec les régimes spéciaux qui permettent un départ à la plus précoce que dans le régime général avec souvent un taux de remplacement plus intéressant. L’hypocrisie du Président sur ce sujet est significative. Il se place non sur des fondements économiques puisque l’existence des régimes spéciaux ne coûtent quasiment rien au régime général, mais sur le plan de la « morale », alors même que les revenus boursiers sont toujours exonérés. Rappelons que le coût des régimes spéciaux représente 0,1 % des 12 milliards de déficit !
Cette volonté de réformer les régimes spéciaux tombe à point, surtout pour dresser des catégories de salariés les unes contres les autres, moins d’une année avant le bilan de 2008 sur la réforme Fillon. Il ne fait pas de doute que cette réforme est un prélude à une réforme de plus grande ampleur, voulue par le MEDEF et par le Président lui-même : la poursuite de la réforme des retraites avec l’allongement de la période de cotisation, la diminution du taux de remplacement, le recours accru à la constitution d’un capital par le biais des contrats d’assurance.
3/ L’emploi des seniors.
Nicolas Sarkozy a également annoncé vouloir libérer les initiatives en permettant aux seniors de travailler, en allant jusqu’à supprimer les mises à la retraite d’office pour les plus de 65 ans.
Dans le même ordre d’idée, il entend supprimer les verrous existants à l’embauche et au maintient de l’emploi des plus de 55 ans. Pour ce faire, il se propose de taxer les indemnités de licenciements et doubler la taxation des préretraites d’entreprises.
A mon sens, il s’agit là d’un effet d’annonce - que le patronat fera bien vite modifier - et qui, ne l’oublions pas, ne coûtera pas qu’aux entreprises puisque les préretraités acquitteront une CSG à 7,5 % au lien de 6,2 ou 3,8.
3/ Achèvement de la convergence tarifaire public-privé avec une T2A à 100 % (contre 50 % d’objectif en loi de financement de la sécurité sociale 2007).
Le Président de la République a tenu à réaffirmer dans son discours l’amplification de la Tarification à l’Activité. Il s’agit donc pour lui de passer à 100% de financement des hôpitaux par ce moyen supprimant ainsi complètement la notion de Dotation Globale. Les hôpitaux auront donc tout intérêt à faire le plus d’actes possibles afin de pouvoir financer l’ensemble de leurs activités et de leurs services. On s’engage donc plus avant dans le cercle vicieux : la réalisation d’actes non nécessaires au patient, la fermeture de services peu ou insuffisamment rentable.
Quoi qu’il en soit, l’hôpital public, étranglé financièrement, plonge plus encore dans une logique comptable, loin des besoins des usagers, à savoir un service public de qualité, gratuit et ouvert à tous.
4/ La médecine de Ville :
Il s’agit pour le Président de revenir sur le principe de la liberté d’installation des médecins, en se référant notamment à l’accord qui a été signé avec l’ordre des infirmières. La volonté affichée est de lutter contre la désertification médicale.
A noter que le sujet mérite réflexion : n’est-ce pas un prétexte pour étendre le tarif 2 conçu comme une gratification aux médecins qui accepteraient de voir encadrer leur installation ?
Il conviendra également de nous interroger sur les Maisons Médicales de Garde que financement, toujours non pérenne des URCAM, met en difficulté.
D’ailleurs, le rapport Grall sur la permanence des soins semble prédire leur disparition. Or, cet outil encore commence à faire ses preuves, notamment dans les banlieues, comme je peux le constater à Vénissieux.
5/ Enfin, mais non des moindres, les retraites et les prestations familiales n’augmenteront au 1er janvier 2008 respectivement que de 1,1 et 1 %, soit 0,5 point de moins que l’inflation probable. Soit une moindre dépense de 500 millions d’euros.
Le 3ème étage de la fusée : les projets pour l’après municipales
Il s’agit véritablement d’appliquer le modèle anglo-saxon cher à M. Sarkozy en poursuivant la mise en place d’une couverture sociale à deux vitesses déjà amorcée ; ceci revient à mettre à bas le principe fondateur que la Résistance avait su instaurer par le programme du CNR : solidarité entre les assurés, participation des salariés et des entreprises au financement de la sécurité sociale, égalité de tous dans l’accès aux soins.
Poursuite de la fiscalisation du financement de la Sécurité sociale que nous dénonçons à chaque projet de loi de financement de la sécurité sociale. Avec :
L’augmentation du recours à la CRDS
La TVA dite « sociale »
Après les rapports Besson et Lagarde, vient de sortir le rapport Chartier commandé par l’UMP qui propose d’alléger de 3,5 points les charges acquittées par le salarié. C’est la « TVA pouvoir d’achat » en contrepartie de laquelle seraient transférés vers les régimes sociaux une partie des impôts et taxes : TVA, CSG, C3S (contribution sociale de solidarité des sociétés)
La mise en place d’un "bouclier sanitaire" permettant la modulation en fonction des revenus des dépenses de santé non remboursées par la sécurité sociale. Ce projet, bien que n’étant semble-t-il plus à l’ordre du jour, doit être conservé à l’esprit.
Sans oublier la CSG sur les retraites qui figurait, ne l’oublions pas, dans le programme présidentiel de Mme Ségolène Royal.
En conclusion :
Nous nous trouvons à la croisée des chemins en matière de protection sociale. Le gouvernement ne se cache pas de vouloir mettre la dernière main au démantèlement de notre système de protection sociale solidaire. Les salariés ne s’y trompent pas qui devraient participer nombreux aux grands rendez-vous revendicatifs de cette rentrée :
Samedi 29 septembre : mobilisation nationale contre les franchises médicales
Samedi 13 octobre : journée de mobilisation sur la branche AT/MP, particulièrement sur le scandale de l’amiante à l’initiative de la FNATH et de l’ANDEVA.
Jeudi 18 octobre : mobilisation contre l’extinction sans concertation des régimes spéciaux de retraite.
Enfin, nous pouvons dès à présent poursuivre une sérieuse réflexion sur le véritable enjeu de société que constituent les retraites. Partie intégrante de notre protection sociale, celles-ci constituent la mutation sociologique de ce siècle qui va imposer des transformations profondes et rapides à notre système de protection sociale. Les réponses devront être à la hauteur d’un besoin de financement inéluctable.