Journée d’étude des parlementaires communistes : budget 2008

Publié le 26 septembre 2007 à 09:29 Mise à jour le 8 avril 2015


Par Jean-Claude Sandrier, député du cher, président du groupe de la Gauche démocrate et républicaine

Loin des rodomontades de Sarkozy, la construction du PLF et du PLFSS pour 2008 est porteuse d’inquiétudes et de nouveaux mauvais coups.

Tous les domaines de la vie de nos concitoyens sont touchés par les objectifs présidentiels :
baisse du coût du travail (avec le fameux travailler plus pour gagner plus qui se traduit notamment par une offensive sans précédent sur le travail du dimanche qui serait « essentiel » à la croissance ;
culpabilisation accrue des chômeurs, des allocataires de minima sociaux, avec le développement du « travail subventionné » (RSA par exemple) qui permet de faire pression sur tout le marché du travail
remise en cause des services publics (avec l’abandon du secteur énergétique) ;
remise en cause de la retraite par répartition, en attaquant d’abord les régimes spéciaux ;
remise en cause du système de santé (franchises médicales).

Toutes ces offensives s’effectuent avec la recherche systématique d’opposer les catégories entre elles.

Dans ce contexte, le PLF 2008 se construit sur des hypothèses extrêmement régressives pour les concitoyens :
la première hypothèse est le strict maintien des dépenses en volume (augmentation en valeur de 1,6%, estimation de l’inflation pour 2008) ;
l’hypothèse de croissance du PIB (qui conditionne le montant des recettes) est de 2,25%. Vu les prévisions actuelles, ce chiffre est déjà très optimiste, même si le gouvernement laisse planer de « bons chiffres » pour le 3 ème trimestre 2007.
Les conjoncturistes des principaux instituts de prévision économique retiennent en effet des perspectives de croissance plus faibles ( aux alentours de 1,6 à 2 % ) et l’OCDE, pour sa part, la fixe aux alentours d’une valeur de 1,8%

On ne peut d’ailleurs que mettre en évidence ce ralentissement de la croissance prévisible de l’économie française avec les effets de la crise immobilière qui a frappé cet été les Etats-Unis, qui vient de ‘ déborder ‘ sur le Royaume Uni, tandis que l’économie allemande, pour sa part, connaît un relatif essoufflement.Le haut niveau de la parité euro dollar comprime d’ailleurs plus encore la « compétitivité » de l’économie.
Enfin, comment ne pas pointer que ces perspectives de croissance sont fort éloignées des attendus du projet de loi TEPA voté cet été, et qui, à l’instar d’un autre texte défendu par Sarkozy, en 2004, aboutit, en termes d’activité, au résultat inverse de celui recherché.

  • L’objectif initial sur le déficit public (lettre de cadrage) était de 2,3% du PIB. Le chiffre finalement retenu devrait être 2,4% (annonce fait devant les ministres de Finances européens le 9 juillet). Le retour à l’équilibre du budget de l’Etat serait repoussé en fin de quinquennat (2012).

Cet objectif ne saurait se comprendre sans faire part des « coups partis ». En 2008, le paquet fiscal s’élèvera à 14 milliards d’euros de moins-values sur les recettes fiscales et les prélèvements sociaux. Cela s’ajoute bien sûr au vaste mouvement d’extinction de l’impôt progressif (IRPP, ISF). A ces nouveaux cadeaux fiscaux vient se greffer le dérapage des comptes de la Sécurité Sociale (déficit de 11,7 milliards d’euros en 2007 contre les 8 milliards envisagés), et l’obligation faite à l’Etat de rembourser ce qu’il doit à la Sécu (soit 6,7 milliards d’euros au 31 décembre 2006).

Cette situation amène à une dramatisation organisée sur les comptes de l’Etat et des Administrations Publiques. « La France est en faillite financière » annonce Fillon, « la situation financière de la France est extrêmement préoccupante » renchérit Trichet... ce n’est pas anodin. Il s’agit de casser toute velléité de résistance à des régressions sociales de grande ampleur, à une soumission encore plus grande aux marchés financiers. Tout est fait pour corseter le débat sur les vrais coûts et les possibilités de nouvelles recettes. Les seules évoquées concerneraient en la création d’un impôt sur le revenu minimum fusionné avec la CSG, et la création de la TVA dite sociale.

Il importe, toutefois, à l’examen, de rappeler quelques faits essentiels.

La progression de l’endettement public et la détérioration des comptes de l’Etat, comme de ceux de la Sécurité Sociale, trouvent leur origine dans des politiques d’incitation fiscale et d’allégement du coût du travail menées depuis plusieurs décennies.
Contrairement à l’affirmation de Fillon, cela fait 35 ( et pas 25 ) ans que l’on vote des budgets déficitaires et certaines des lois de finances concernées l’ont d’ailleurs été par Fillon lui-même, comme parlementaire de la majorité ou ancien Ministre, co auteur des politiques mises en œuvre.

Le plus bel exemple est sans doute fourni, pour ce qui le concerne, par sa réforme des retraites de 2003 dont le moins que l’on puisse dire est qu’elle n’a pas résolu, loin de là, les difficultés de trésorerie du régime général !

Mais le noircissement délibéré de la situation vise en fait à imprimer clairement une orientation vers une rigueur budgétaire complémentaire, de nouvelles mesures d’austérité pour le plus grand nombre, couplées à des mesures toujours plus favorables aux hauts revenus et aux entreprises à forte rentabilité.

Cela se traduit par 4 axes très forts dans le projet de PLF et PLFSS :

réduction idéologique du nombre de fonctionnaires, avec la volonté affirmée de modifier notre pacte social. Je dis idéologique car, en 2008, la diminution de 22700 postes n’aura pour effet comptable qu’une baisse de 350 à 400 millions d’euros sur le budget. Par contre, cela aura pour conséquence de justifier la réduction de la voilure des enseignements (suppressions d’options, menaces sur certaines disciplines, report de charges sur les collectivités avec la classe de petite section de maternelle par exemple...), de continuer à fermer les yeux sur les atteintes au monde du travail avec un corps d’inspecteurs qui se réduirait conformément aux annonces de Sarkozy de dépénaliser petit à petit la délinquance en col blanc, de justifier l’alignement sur l’OTAN et les Etats-Unis en matière de défense et de politique étrangère... Les choix en matière de dépenses visent à se caler sur les missions dites régaliennes de l’Etat (police justice), avec un ministère sacralisé, celui de l’Enseignement Supérieur et la Recherche, afin d’accélérer la mise en concurrence des Universités et des chercheurs (il est mentionné la création de Zones Franches Universitaires !).

pression sur les collectivités territoriales, avec la reconduite annoncée du contrat de croissance et de solidarité (dotations accrues de l’inflation +1/2 de la croissance du PIB), mais ce contrat ne s’appliquerait que sur la DGF. L’objectif du gouvernement est de circonscrire la croissance des dotations totales au niveau de l’inflation (comme pour les autres dépenses). Cela signifie que l’ajustement porterait sur la Dotation de Compensation de TP, et toucherait donc très fortement les collectivités tributaires de la TP (régions, départements, communautés de communes ou d’agglomérations). La DGF serait préservée, au moins en apparence, afin de passer le cap des élections municipales. Un des enjeux concernera la TP, avec une offensive très forte du MEDEF sur cette question, et certains articles font mention d’une réflexion proposant d’abaisser à 3% de la Valeur Ajoutée le plafond de TP. Quand on connaît le manque à gagner déjà constaté avec le plafonnement à 3,5% de la VA, on mesure le risque énorme pour les Collectivités.

Le choix vers lequel le gouvernement veut entraîner les collectivités, c’est une délégation massive au privé de pans entiers du Service Public local (avec paiement accru pour les usagers), et retrait des politiques volontaristes. La droite poursuit clairement sur cette question de la place des collectivités territoriales une démarche d’intégration des logiques budgétaires récessives inspirées de la LOLF appliquée au budget de l’Etat, doublée d’une volonté d’uniformiser la gestion publique locale, nonobstant la sensibilité politique de telle ou telle assemblée délibérante. Le mouvement continu de transfert de charges ( démultiplié par la décentralisation sauce Raffarin ) tend en effet à oblitérer fortement toute initiative locale ; fondée sur l’affectation ‘ politique ‘ de toute ressource de fonctionnement.

Etatisation du financement de la protection sociale. C’est un élément fondamental de la casse du modèle social. On rappellera d’ailleurs que les déficits sociaux sont aussi durablement marqués par l’absence de démocratie sociale réelle, les assurés sociaux étant privés depuis 1982 du droit d’élire les administrateurs des différentes caisses de la Sécurité Sociale. Le financement de la Sécurité sociale est en danger.

La dégradation des comptes sociaux est due à la fois à une croissance des dépenses (par rapport aux prévisions) et à un déficit de recettes. Or, la poursuite des exonérations de cotisations sociales patronales à un niveau jamais atteint, le renforcement de ces exonérations sur les heures supplémentaires ont pour but de déconnecter le financement de la protection sociale de la création de richesses. Ce qu’il faut noter, c’est que l’architecture même de la dette sociale participe de la financiarisation de l’économie. Les frais financiers de la dette sociale explosent littéralement (270 millions d’euros en 2006, une estimation de 750 millions d’euros en 2007 et estimation de 1,2 milliards d’euros en 2008). Ces frais représentent plus de 10% du déficit attendu pour 2008 !

En clair, les contributions des salariés (cotisations), des contribuables (CSG, CRDS), des usagers (franchises diverses), servent pour une grande part à favoriser les marchés financiers ! Au regard de la situation, avec la dramatisation qui en découle, tout est en place pour exiger de nouveaux efforts de nos concitoyens (retraite, déremboursements, justification de la TVA sociale ou de l’accroissement de la CRDS). Le déficit de la protection sociale est d’ailleurs largement accru par les transferts entre régimes, le débat sur les régimes spéciaux évitant notamment soigneusement de soulever la question du financement de la couverture sociale des commerçants et artisans et de la Mutualité Sociale agricole, deux régimes placés, de longue date, sous ‘ assistance respiratoire ‘ du régime général. ( Le rapporteur au Sénat des comptes de la Sécurité Sociale, Alain Vasselle, parle même de régime ‘ en coma dépassé ‘ ).

Ainsi, en 2005, le régime général a versé près de 7 milliards d’euros au régime agricole au titre de la compensation démographique, près de cinq milliards venant, pour leur part, des régimes de fonctionnaires ( CNRACL et Etat ). Au demeurant, le mouvement imprimé depuis 2003 et tendant, dans le droit fil de la réforme des retraites, à assurer ‘ l’équité ‘ entre les retraités a accru la part des prestations servies par la MSA prises en charge au travers de la compensation démographique.

  • Enfin, quatrième point, une nouvelle fuite en avant dans les avantages fiscaux dévolus aux revenus des ménages les plus aisés et des entreprises. En effet, alors même qu’il est évident que les politiques d’allégements de cotisations sociales et de réduction de la fiscalité ont conduit à une déprime des recettes et à une aggravation des déficits budgétaires et de la dette publique, aucune remise en question de ces choix n’est a priori prévue.
    Il semble en particulier hors de question de revenir sur tout ou partie des mesures contenues dans la loi de finances 2006, dans la loi de finances 2007 ou dans la loi TEPA, lors même la croissance n’est pas au rendez vous.
    Mieux même, si l’on peut dire, des mesures portant sur le traitement fiscal des actions ( détention, transmission et imposition des dividendes ) sont annoncées, visant à réduire encore les contraintes fiscales déjà allégées les touchant.

Ainsi, la durée de détention de titres concernés par un pacte d’actionnaires au titre de l’ISF pourrait se voir réduite à deux ans au lieu de six !
Et l’option prélèvement libératoire sur les dividendes pourrait conduire à réduire sensiblement, sur la durée, l’imposition de ceux-ci.

Ces nouvelles largesses financières se cumuleraient, bien entendu, avec un pseudo renforcement du crédit d’impôt recherche sans la moindre prise en compte sociale, économique ou écologique des dépenses de recherche ainsi subventionnées.

Au total, le budget qui sera proposé ne s’attaque nullement à la dictature des marchés financiers. L’épisode de crise financière de cet été, contenu par une injection massive de liquidités (250 milliards d’euros de la BCE) démontre où sont les véritables enjeux. Les projets de PLF et PLFSS 2008 ne peuvent se comprendre sans la prise en compte du Traité simplifié qui sacralise le rôle de la BCE et la prééminence des marchés financiers sur le financement de l’économie. Notre argumentaire, et nos propositions devront, à mon sens, poursuivre l’objectif de desserrer cette contrainte en mettant l’accent sur l’accès au crédit des PME, le rôle essentiel du pouvoir d’achat, la pénalisation de la spéculation financière.

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