JUSTICE ET AUMÔNERIE DES PRISONS

Publié le 5 février 2005 à 00:00 Mise à jour le 8 avril 2015

Intervention de Robert BRET lors du débat organisé par la Fédération Protestante de France sur la "Situation actuelle des prisons : quels constats ? rôle des aumôniers ?"

Avant tout, je tiens à vous remercier pour votre invitation à participer à ce débat, laquelle me fait honneur.
S’agissant de la situation des prisons en France, permettez-moi de vous faire un bref rappel de la conjoncture :

1°) SURPOPULATION CARCERALE

Quatre années après les deux commissions d’enquête parlementaires, force est de constater que la situation non seulement ne s’est pas améliorée, mais s’est, en outre, largement dégradée.
L’actuel gouvernement, faisant fi du travail sérieux effectué par les parlementaires d’opinion politique diverse a - singulièrement avec ses lois PERBEN I et II et SARKOZY - pris l’exact contre-pied de leurs conclusions et recommandations dont l’actualité et la pertinence sont pourtant toujours de mise.

La commission d’enquête sénatoriale concluait qu’il était urgent d’incarcérer moins pour incarcérer mieux, de s’interroger sur le sens de la peine, sur qui mettre en prison, et de réfléchir aux alternatives à l’incarcération, aux libérations conditionnelles, à la détention provisoire, à la gestion des longues peines, à la future réinsertion des détenus, à la lutte contre la récidive, contre les suicides en prison etc..
Mais tant que la politique pénale du pays restera axée sur la seule incarcération, les conditions de détention continueront de se détériorer tout comme les conditions de travail du personnel pénitentiaire.

Plus fondamentalement, c’est notre système pénal tout entier qu’il convient de réviser, lui qui est essentiellement basé sur la répression, ignorant la prévention, la réinsertion et donc la lutte contre la récidive.

L’inflation carcérale s’explique par une pénalisation de plus en plus lourde dont l’origine est à rechercher dans la réforme de notre code pénal entamée en 1992 et qui a revu à la hausse l’échelle des peines.
Pour remédier à la surpopulation carcérale, le gouvernement n’envisage qu’un seul type de réponse : la construction de nouvelles prisons.
Que nous dit-il ? : « il n’y a pas de surpopulation carcérale, il y a tout simplement un manque de places en prison ».
Or, il s’agit d’une « vraie-fausse solution » tant on sait que plus on construit de prisons, plus on incarcère et plus on a de surpopulation. La France a ainsi construit 17000 places de prisons depuis 1986 sans pouvoir prévenir la dégradation des conditions de détention. Ce cercle vicieux est désormais bien établi.
D’ailleurs, si on opère une comparaison avec d’autres Nations, les chiffres parlent d’eux-mêmes : il y a 686 détenus aux USA pour 100.000 habitants, 135 en Grande-Bretagne, 99 en France (mais pour un taux d’occupation de 128.3%).

Plutôt que de persister ainsi dans la voie du « tout-carcéral », mieux vaudrait investir en amont en terme de prévention ; à l’intérieur de la prison en terme de droits nouveaux pour les détenus mais aussi de devoirs, en terme également de reconnaissance des missions des personnels souvent difficiles et ingrates ; enfin après la prison, en terme de réinsertion pour éviter la récidive.

Il faut, par ailleurs, mener une réflexion et investir dans le milieu ouvert qui présente le double avantage d’être moins coûteux et d’éviter ou d’écourter le contact avec le monde carcéral qui se révèle trop souvent criminogène.
Enfin, le recours à la libération conditionnelle, tombé en désuétude, mériterait d’être renforcé, comme le préconise le rapport Farge.
Ce dispositif permet de préparer au mieux la sortie de prison et donc la réinsertion du détenu par l’élaboration d’un « projet de sortie ».
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2°)PENALISATION DE LA SOCIETE

Depuis les attentats du 11 septembre 2001 à New-York, le France s’est engagée dans un escalade pénale. Le discours sécuritaire s’est musclé. L’incarcération est devenue l’arme absolue pour lutter - au moment où la politique libérale du Gouvernement (et de l’Europe) fait des ravages - contre les désordres sociaux, urbains. Le projet de loi consiste à transformer les services sociaux en instruments de surveillance, de contrôle et de délation.

Cette politique frappe en premier lieu les couches les plus défavorisées, elle est même un instrument de paupérisation et de marginalisation.
On retrouve derrière les murs de nos prisons tous les laissé pour compte de la société libérale : petits délinquants occasionnels, chômeurs et indigents, sans-abri et sans-papier, toxicomanes, malades mentaux, jeunes condamnés à une (sur)vie faite de débrouilles en raison de la normalisation du salariat précaire.

Après la décrue modérée de 1996-2001, la population carcérale a dépassé le cap des 60 000 détenus. Record absolu depuis la Libération.
Rien dans l’évolution de la criminalité en France ne justifie l’essor fulgurant de la population carcérale.
 Les cambriolages, vols de véhicules et vols à la roulotte (qui constituent les ¾ des crimes et délits enregistrés par les autorités) diminuent tous régulièrement au moins depuis 1993.
 Les homicides et coups mortels refluent depuis 1995 d’après les données de la police et depuis 1984 selon les relevés de l’INSERM (Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale).
 Les vols avec violence, qui obnubilent les grands médias, outre qu’ils se composent principalement de violences verbales (insultes, menaces) sont en recul depuis 20 ans.

Enfin, c’est moins la criminalité qui a changé ces dernières années que le regard que les politiques et journalistes portent sur la délinquance de rue et sur les populations censées l’alimenter (jeunes du milieu populaire issus de l’immigration maghrébine).

Ensuite, il est établit qu’il n’existe nul part - dans aucun pays - de corrélation entre le taux d’emprisonnement et le niveau de criminalité. En France, moins de 2% des contentieux portés devant les Parquets donnent lieu à une peine d’enfermement.
C’est dire si la prison est inadaptée à lutter contre la petite et moyenne délinquance, et à plus forte raison contre les « incivilités » dont la plupart ne relèvent même pas du code pénal.

Avec ses lois SARKOZY/PERBEN, le gouvernement mène une véritable politique de répression, d’enfermement et d’exclusion sans aucun traitement social de fond de la délinquance alors que l’on sait que la délinquance prend racine dans l’aggravation des inégalités sociales : avec d’un côté la marginalisation, la précarisation, la dégradation de l’habitat, l’échec scolaire, la mal-vie, et de l’autre l’accumulation des richesses.
50% des détenus rentrant sont sans emploi / 50% son fils d’ouvriers et d’employés et la moitié sont ouvriers eux-mêmes / les ¾ sont sortis de l’école avant 18 ans / 4 détenus sur 10 ont un père né à l’étranger / et 24% sont eux-mêmes nés hors de l’Hexagone.
A leur sortie, 30% ne sont soutenus ni attendus par personne / ¼ ne disposent d’aucun argent c’est-à-dire moins de 15€ / et 1/8 n’ont pas de logement à leur sortie.

Aussi, il convient, au contraire, de replacer les questions sécuritaires à leur juste place dans l’échelle des problèmes de notre société, à savoir notamment derrière le chômage et les inégalités sociales.
Dans un contexte où la conjoncture économique et sociale ne cesse de se dégrader, le gouvernement n’a rien trouvé d’autre que la répression pour pouvoir mettre en œuvre sa politique ultra-libérale qui accentue, chaque jour, les inégalités et les exclusions.
Cette politique a pour nom : suppression des emplois-jeunes, diminution du nombre des surveillants de collèges, réforme des retraites, décentralisation, remise en cause de la solidarité nationale dans le financement de la sécurité sociale, casse du code du travail, suppression de l’ASS, ...

C’est la généralisation de cette insécurité sociale et l’accroissement des inégalités qui nourrissent la ségrégation et la criminalité. Et l’État voudrait mettre en prison les personnes qu’il n’a pas voulu éduquer, soigner, loger, nourrir, etc ?

On l’a vu avec les dispositions de la loi “ Sécurité intérieure ” : au lieu d’apporter des réponses sociales, le gouvernement a décidé de s’occuper par la voie pénale des populations dites “ à problèmes ”, c’est-à-dire notamment celles qui ne se soumettent pas docilement à l’impératif du travail flexible ou encore “ les classes dangereuses ”.
Se met en place une gestion sécuritaire et policière de l’État dont les fonctions régaliennes sont réduites à leur plus simple expression : police, défense et justice. (acte II de la Décentralisation RAFFARIN).
Certains remèdes avancés en France : tolérance zéro ; couvre-feux ; suppression des allocations familiales versées aux parents des délinquants ; durcissement de la répression des mineurs s’inspirent de l’exemple américain.
La banalisation de l’insécurité dissimule en réalité un tout autre enjeu que celui de vouloir endiguer la délinquance comme le prétend le gouvernement dont le but est de redéfinir les missions de l’État qui se retire de l’arène économique et réduit son rôle social d’une part et d’autre part d’élargir en la durcissant son intervention pénale.

D’un côté : idéologie économique et sociale fondée sur l’individualisme et la marchandisation, de l’autre et en complément dans le domaine de la justice, la criminalisation de la misère et la normalisation du travail précaire. Tel est le véritable projet de société que la droite veut mettre en place.

Une société qui ne propose comme moyen de lutte contre l’insécurité qu’une réforme des codes - pénal et de procédure pénale - dont le pendant est l’augmentation du nombre de cellules, est une société en échec.
D’autant que la prison est un creuset de violences et d’humiliations quotidiennes. Un vecteur de ruptures des liens familiaux, de méfiance civique et d’aliénation individuelle.
C’est une école de formation, voire de professionnalisation aux carrières criminelles ; « Une école de la récidive .
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3°)LE PROJET DE LOI PENITENTIAIRE

Les commissions d’enquête parlementaire, qui ont vu le jour en 2000 sur le thème des conditions de détention dans les prisons françaises, ont abouti à deux solutions :
L’Assemblée nationale a marqué sa préférence pour l’élaboration d’une grande loi pénitentiaire. Quant au Sénat, il a avancé une série de 30 mesures concrètes susceptibles d’être mises en œuvre dans de brefs délais.

Le gouvernement de l’époque a tranché et a décidé de suivre l’avis rendu par le rapport d’enquête de l’AN qui était d’emprunter la voie du parlement.
Afin d’élaborer cette grande loi pénitentiaire, le garde des sceaux de l’époque a donc mis en place un conseil d’orientation stratégique.

J’ai toujours pensé, quant à moi, que les solutions, respectivement proposées par l’une et l’autre des chambres du parlement, - à savoir : prendre des mesures d’urgence d’une part et légiférer d’autre part - n’étaient pas exclusives l’une de l’autre et pouvaient parfaitement se compléter.
En effet, s’agissant de l’application des peines, du sens de la peine dans une société démocratique, de droits nouveaux accordés aux détenus, d’une meilleure définition des missions intéressant les personnels pénitentiaires, de leur statut ou encore des grands principes d’organisation des établissements pénitentiaires, cela ne peut se décréter.
Le fait de saisir la représentation nationale de ces questions a l’avantage d’initier un grand débat national, ouvert et transparent, notamment avec la consultation des représentants des associations intervenant dans les prisons, des organisations syndicales, du conseil supérieur de l’administration pénitentiaire.
Ce qui n’est pas négligeable étant donné que la dernière loi en la matière remonte à 1987.

L’option retenue fut donc, vous le savez, d’élaborer une grande loi pénitentiaire qui n’a jamais vu le jour.
Quant aux mesures qu’il était possible de prendre dans l’urgence, elles n’ont pas vu le jour non plus !
Le sujet n’a donc pas avancé malgré la mise en place du COS et l’existence d’un avant-projet de loi.
La situation catastrophique que connaissent aujourd’hui les prisons ne peut que me faire regretter amèrement le fait que la grande loi pénitentiaire annoncée sous le précédent gouvernement n’ait jamais vu le jour.
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4°) QUELLES PROPOSITIONS ?

Face à une telle situation, et dans un tel contexte, dans un tel rapport de forces, il s’avère urgent de prendre des mesures concrètes afin d’améliorer les conditions de détention et renforcer les contrôles des prisons.

C’est exactement l’objectif poursuivi par la proposition de loi relative aux conditions de détention dans les établissements pénitentiaires et au contrôle général des prisons, déposée par nos collègues Messieurs HYEST et CABANEL, respectivement Président et Rapporteur de la commission d’enquête sénatoriale, et adoptée à l’unanimité par le Sénat, le 26 avril 2001.

1) Cette proposition de loi tend, dans un premier temps, à créer un organe de contrôle externe et indépendant des établissements pénitentiaires, doté de larges pouvoirs d’investigation, comme le préconisaient la commission d’enquête sénatoriale et le rapport rendu sous la présidence de M. CANIVET.

2) Dans un second temps, ce texte vise à remédier à la surpopulation dans les maisons d’arrêt en interdisant le maintien dans les maisons d’arrêt de personnes définitivement condamnés à une peine d’emprisonnement supérieure à un an et à permettre l’affectation des prévenus, des appelants et de ceux qui ont formé un pourvoi en cassation en établissement pour peines.

3) Enfin, ce texte vise à améliorer l’encadrement du pouvoir disciplinaire, en limitant le placement au quartier disciplinaire à 20 jours, au lieu de 45 jours actuellement.

4) A notre initiative, deux amendements tendant à renforcer les droits de la défense en prévoyant le droit à l’assistance d’un avocat et le droit au recours s’agissant des décisions de placement à l’isolement ou de transfèrement, ont été adoptés. (Cf projet de décret de la Chancellerie visant à restreindre les recours contre le placement à l’isolement)

Si bien sûr, nous avons conscience que ces mesures ne permettent pas à elles seules de résoudre l’ensemble des problèmes soulevés par la situation carcérale, nous estimons en revanche qu’elles constituent une première réponse, de surcroît d’application immédiate en attendant une réforme plus globale.
Il suffirait pour cela que ce texte soit inscrit à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale et voté dans des termes identiques afin d’éviter des navettes qui reporteraient d’autant l’entrée en vigueur de ces dispositions législatives.
Nous restons bien évidemment convaincus de la nécessité d’une grande loi pénitentiaire qui a le mérite de provoquer un débat national sur la question pénitentiaire, notamment au regard de la redéfinition du sens de la peine et des missions de l’administration pénitentiaire.
Toutefois compte tenu de l’urgence de la situation, il est indispensable que la proposition de loi « Hyest-Cabanel » précitée soit inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale à qui elle a été transmise en date du 17 juillet 2002.
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5°) AUMÔNERIE ET JUSTICE

Voilà en résumé, le constat qu’on peut dresser de la situation des prisons en France. Pour ce qui est du rôle des aumôniers auprès des détenus et de leurs actions au sein de l’univers carcéral, je ne peux que vous faire part de mon sentiment.
En effet, votre invitation à participer à cette rencontre, et de ce fait à me replonger dans mes notes prises lors des auditions effectuées à l’occasion de l’enquête sénatoriale sur la situation des prisons, m’a permis de constater, sauf erreur de ma part, que nous avions certes auditionné un aumônier en tant qu’intervenant mais, à la différence de mes collègues de l’Assemblée Nationale, nous n’avons pas procédé à l’audition d’aumôniers de cultes différents pour mieux connaître leurs actions et objectifs.
Ce qui est fort regrettable car cela m’aurait permis de mieux appréhender la discussion de ce soir. Aussi, j’attends justement de cette rencontre qu’elle m’apporte des éléments d’appréciation pour compléter mon point de vue.

La loi dit selon la Constitution du 27 octobre 1946 :
Art. 1er - que La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l’intérêt de l’ordre public.
Art. 2 - La république ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte. En conséquence, à partir du 1er janvier qui suivra la promulgation de la présente loi, seront supprimées des budgets de l’Etat des départements et des communes, toutes dépenses relatives à l’exercice des cultes.
Pourront toutefois être inscrites auxdits budgets les dépenses relatives à des services d’aumônerie et destinées à assurer le libre exercice des cultes dans les établissements publics tels que lycées, collèges, écoles, hospices, asiles et prisons.

Ce sujet est revenu en question au Parlement lors des débats sur la laïcité. A cette occasion a été pointé le manque criant d’aumôniers pour assurer ce droit au culte dans les prisons. Pour autant, nul budget n’a été dégagé pour remédier à cette carence.

Pour en revenir à la commission d’enquête sénatoriale, eu égard ce que nous avons pu voir, entendre, constater à l’issue des visites des centres pénitenciers et maisons d’arrêt et des auditions, nous sommes arrivés à la conclusion qu’il était urgent d’améliorer les conditions de détention, j’entends par-là la nécessité de rendre plus humaine, plus sociale l’incarcération.
Dès lors, je pense qu’il est nécessaire de faire entrer la société et ses services à l’intérieur de l’univers carcéral pour d’une part rompre l’isolement total des détenus, favoriser leur vie relationnelle et d’autre part les préparer à leur future sortie.

Et si on estime que les détenus doivent pouvoir accéder aux soins médicaux (médecins, psychologues, psychiatres, dentistes...), aux services sociaux, à l’enseignement, ils doivent également pouvoir, s’ils en expriment le besoin, accéder aux services cultuels.
C’est là la première des raisons qui justifient la présence d’aumôniers au sein de l’univers carcéral. Il va sans dire, que toute confession doit être représentée, catholique, israélite, protestante, orthodoxe, musulmane d’autant que pour cette dernière, nous avons pu constater une augmentation de la population carcérale musulmane dite de la "deuxième génération".

Ensuite, nous avons pu pointer combien les détenus souffrent d’un manque de « relationnel ». Hormis le parloir, ils n’ont, somme tout, que des échanges avec l’univers carcéral : personnels pénitentiaires, avocats, codétenus, éducateurs, visiteurs de prisons... Or, le rôle de l’aumônier va au-delà de l’aspect cultuel, il est celui avec qui il est possible d’avoir des conversations humaines, spirituelles, voire philosophiques. Il est celui qui, par le dialogue, peut ouvrir de nouveaux horizons, apaiser des souffrances, calmer des doutes. Il est aussi et surtout celui à qui tout peut être dit sans crainte de représailles ou de procès d’intention.

De surcroît, de part leur présence au sein de l’univers carcéral, les aumôniers ont dorénavant une grande expérience des conditions de détention, des conditions des détenus. Ils sont donc à même d’appréhender les situations, de les comprendre, voire de les prévenir. Leur capacité d’écoute, de compréhension leur permet très certainement d’anticiper ou de désamorcer des drames. A ce titre, ils sont certes un des maillons de la chaîne des intervenants en prison, mais peuvent à mon sens être d’un grand secours tant pour les détenus que pour les personnels.
Mes collègues députés qui ont auditionné des aumôniers doivent pouvoir en témoigner mieux que moi.
Faut-il rappeler que l’on meurt en prison ? 122 détenus se sont donnés la mort en 2002, soit 17,3% de plus qu’en 2001. Et l’on meurt plus dans les établissements neufs que dans les anciens.

Enfin, je pense que le titre d’aumônier confère à celui qui l’est un rôle d’impartialité, de neutralité pour le détenu qui doit forcément être méfiant à l’égard de ceux qui l’approchent. Cette neutralité doit être propice à un véritable dialogue sans la crainte que chaque mot soit mal interprété. Au même titre que le bénévole visiteur de prison, l’aumônier est celui qui est là parce qu’il l’a souhaité et non parce qu’il a été mandaté. Il est celui qui va intentionnellement et délibérément de l’autre côté des murs, il est de ce fait le lien avec l’extérieur.
Pour toutes ces raisons, j’approuve les actions des aumôniers et estime leur présence au sein des prisons. Je crois à leur nécessaire présence dès lors qu’elle respecte le principe de laïcité.

Pour autant, je tiens à préciser, que le travail de la commission d’enquête avait permis de détecter le sentiment de rivalité exprimé par les personnels pénitentiaires à l’égard des intervenants extérieurs.
En effet, lors des auditions, les surveillants ont fait part de leur amertume, compte tenu du décalage constaté entre l’évolution des missions de l’administration pénitentiaire, qui doit à la fois surveiller et réinsérer, et le cantonnement de leurs fonctions à la seule surveillance.
Cette amertume est d’autant plus forte que le niveau de recrutement des surveillants a été considérablement amélioré. Toutefois, cette évolution suscite également des frustrations auprès du personnel qui occupe une fonction ne correspondant pas à ses diplômes et à ses aspirations. Selon certains, l’administration pénitentiaire présente aux détenus un modèle carcéral dans lequel les surveillants sont " les méchants " tandis que tous les autres intervenants apparaissent comme " les gentils ", qui viennent en aide aux détenus.
Cette présentation a des effets dramatiques, à la fois sur les relations entre les personnels et sur les chances de réinsertion du détenu. Elle tend d’abord à créer des tensions inutiles entre les différentes catégories de personnel, alors que ces derniers devraient travailler en équipe en direction de chaque détenu. D’où la nécessité d’une revalorisation et d’une reconnaissance de la fonction de surveillance.

Robert Bret

Ancien sénateur des Bouches-du-Rhône
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