Interruption involontaire de grossesse : l’amendement Garraud doit être retiré

Publié le 1er décembre 2003 à 18:22 Mise à jour le 8 avril 2015

une lettre de Nicole Borvo à Dominique Perben

Monsieur le Ministre,

Les députés viennent d’introduire hier soir, en deuxième lecture du projet de loi relatif à l’adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, une disposition créant un délit spécifique d’interruption involontaire de grossesse passible d’un an de prison, lorsqu’elle a été provoquée par une maladresse, une imprudence, une inattention ou une négligence.

Les sénateurs communistes ne peuvent que déplorer le vote de cet amendement, auquel vous vous êtes déclaré favorable, au regard du précédent débat qui a eu lieu sur cette question au printemps dernier, à l’occasion du vote de la loi relative à la lutte contre la violence routière.

En effet, nous ne sommes pas les seuls à le dire, cette disposition pose de sérieux problèmes eu égard, particulièrement, au statut juridique de l’embryon.

C’est la raison pour laquelle le Sénat avait décidé de surseoir à l’introduction d’une telle mesure dans notre droit : M. Lanier, rapporteur du texte sur la violence routière, avait insisté à cette occasion sur le fait "qu’il s’agit d’un sujet extrêmement vaste et qu’on ne saurait le traiter à l’occasion d’un texte relatif à la sécurité routière. Il mérite d’être étudié d’une manière spécifique et approfondie, car il convient de l’aborder sous tous ces angles."

Il est particulièrement choquant que certains députés tentent à nouveau de faire obstacle à une réflexion sereine et concernée sur un sujet aussi grave. Nous refusons, pour notre part, cette exploitation honteuse de la souffrance de ceux qui vivent le traumatisme de la perte d’un fœtus.

Au nom des sénateurs de mon groupe, je vous demande de bien vouloir prendre officiellement position pour refuser que cette question soit réglée au détour un texte qui n’a rien à voir avec cette question, pour satisfaire les visées démagogiques et électoralistes de certains.

Vous avez d’ores et déjà indiqué que vous alliez engager une concertation sur le sujet ; nous avons néanmoins toutes les raisons de craindre que cette concertation ne se fasse dans un cadre restreint et sans la transparence requise : en particulier, les parlementaires, dans leur diversité, doivent être associés à la réflexion.

Dans la mesure où le texte relatif à la grande criminalité doit revenir en seconde lecture au Sénat prochainement, je vous demande solennellement, au nom de mon groupe, de vous opposer au vote de l’amendement Garraud, en demandant, au nom du Gouvernement, le retrait de cette disposition lors de sa discussion au Sénat.

Je vous prie de croire, monsieur le ministre, en mes salutations les plus distinguées.

Nicole Borvo Cohen-Seat

Ancienne sénatrice de Paris et présidente du groupe CRC

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