Elections sénatoriales 2004 : l’analyse du groupe CRC

Publié le 28 septembre 2004 à 14:59 Mise à jour le 8 avril 2015

Intervention de Nicole Borvo aux journées d’études des parlementaires communistes et partenaires

Chers camarades,

Le caractère foncièrement anti-démocratique du mode de scrutin ne peut que produire ce que nous connaissons : une majorité très confortable pour la droite au Sénat !

Néanmoins, les résultats traduisent -au-delà de la photographie des municipales de 2001- quelques évolutions : division de la droite, mécontentement de nombre d’élus locaux sans étiquette précise à l’égard de la politique du gouvernement et une appréciation positive des sénateurs « de terrain ».
L’U.M.P. perd la majorité absolue ; dans les départements où l’élection est à la proportionnelle, la division de la droite et l’union de la gauche ont fait perdre des sièges à la droite :

  • U.M.P. : moins 5 sièges
  • Union centriste : plus 2 sièges
  • P.S. : plus 10 sièges.

Concernant notre groupe, qui comptait 11 sénatrices et sénateurs renouvelables sur 23, nous conservons tous les sièges « sortants » :

  • dans les Hauts-de-Seine (1)
  • à Paris (1)
  • dans le Rhône (1)
  • en Seine-Maritime (1)
  • en Seine-Saint-Denis (2)
  • dans le Val-de-Marne (2)
  • dans le Val-d’Oise (1)

Ce n’était pas évident, au regard des municipales de 2001.
Nous gagnons deux sièges : en Seine-et-Marne et dans l’Essonne, où l’union a créé une dynamique et où l’augmentation des sièges (plus 2 et plus 1) a permis une plus juste représentation de la réalité des rapports de force actuels dans ces départements.
Dans de nombreux départements, la droite UMP même élue a perdu des voix.

Après les consultations du printemps, une superbe fête de l’Huma, ce résultat nous fait du bien.
Je souhaite donc la bienvenue aux nouveaux élus : Eliane ASSASSI, Michel BILLOUT, Robert HUE, Bernard VERA et Jean-François VOGUET ; ainsi qu’à ceux qui ont été réélus : Guy FISCHER, Thierry FOUCAUD, Hélène LUC, Roland MUZEAU, Jack RALITE.

C’est avec satisfaction que nous notons que notre groupe est conforté (il conserve ses 23 membres) et renforcé (par l’arrivée de 3 communistes), ce qui n’enlève rien au fait qu’il soit ouvert à d’autres.
J’y vois la reconnaissance du bon travail que les sénatrices et sénateurs communistes s’efforcent de faire, et c’est de bon augure pour les mois à venir.

Je voudrais illustrer mes propos avec la pseudo-décentralisation Raffarin.
Nous avons mené avec détermination, depuis octobre 2002 -je vous rappelle les journées parlementaires de septembre 2002-, le combat contre la réforme constitutionnelle, point de départ de la déstructuration de l’unité nationale et des services publics nationaux, puis contre les transferts de compétence.

Nous avons travaillé sur la durée -avec le Conseil national, l’ANECR, ce qui a permis de donner de la cohérence à nos positions- ce qui n’était pas évident, compte tenu de l’ambiguïté récurrente entre « décentralisation » et « démocratisation ».
Nous avons travaillé avec les organisations syndicales -Education nationale, Equipement- qui se sont mobilisées contre le projet gouvernemental.
J’ai la faiblesse de penser que notre propre détermination a joué un rôle dans la prise de conscience de ses dangers par les élus locaux et une partie de la population. Cela n’a pas empêché que les textes passent, certes, mais a transformé la « loi-phare » de Raffarin en vote honteux en juillet, avec l’application du 49-3.

Nous allons poursuivre, car le combat continue ; nous vous proposons une structure de travail, en accord avec l’ANECR, avec des élus, des syndicalistes des services publics sur la résistance à la déstructuration de l’Etat, l’avenir des services publics et les finances locales.

Cet exemple parmi d’autres des nécessités et des limites de l’action parlementaire m’amène aux quelques réflexions suivantes.
Nous sommes, nous, parlementaires, partie prenante de la politique du parti. Or, ce que nous ressentons aujourd’hui, c’est un énorme hiatus entre notre peuple et la politique mise en œuvre, mais qui ne débouche pas sur un mouvement social et politique à la hauteur.

C’est cette contradiction qu’il y a lieu de travailler avec intelligence -et bien entendu de faire évoluer- ; c’est un enjeu majeur pour le débat à gauche et pour le pays ; c’est un espace politique réel pour les communistes.
Les attentes populaires sont grandes, très grandes, multiformes.

1 - Il faut donc être dans les luttes, dans toutes les luttes : contre les délocalisations, pour l’emploi, comme pour la dignité des salariés, comme pour les libertés… ; et les élus sont des points d’appui et une caisse de résonance de ceux qui résistent et se battent.
Il nous faut de l’audace dans la critique de cette société.
C’est ce qu’attendent celles et ceux qui rejettent l’ordre actuel des élus, d’un parti qui se fixe pour objectif la transformation de la société.

2- Il faut être capable d’initiative politique. Là aussi, comme élus, nous sommes partie prenante des initiatives politiques du parti : que ce soit sur l’emploi, sur la Sécurité sociale, sur le NON à la Constitution Giscard…
Pour ma part, je propose que nous contribuions, par nos propres capacités d’élus à renforcer les initiatives du parti.

A l’évidence, elles ne peuvent se traduire par le seul travail parlementaire (on voit les limites de l’occupation des hémicycles sur les retraites et la Sécurité sociale). Nous devons privilégier tout ce qui donne une lisibilité à notre ancrage dans le peuple et à notre vision d’un « projet communiste ». Il y a donc à réfléchir plus que nous le faisons à des initiatives en liaison avec le parti, avec les organisations qui partagent ce que nous voulons ; élaborer des propositions, mais aussi travailler à notre conception de la démocratie, du rôle des élus et du parlement ; à la solidarité des peuples…
Je dirais qu’il faut autant d’audace dans la vision d’une société juste, démocratique, que dans la critique du capitalisme.

3 - Nous savons que la question de l’alternative est incontournable : sur son absence butent les luttes, le rassemblement. Nous visons un rassemblement populaire majoritaire sur un contenu transformateur. Nous voulons donc mener au grand jour le débat qui existe entre les forces de gauche. Les parlementaires doivent être porteurs de ce débat. Là aussi, en mesurant les limites des hémicycles, mais en privilégiant dans notre activité ce qui peut rassembler dans le peuple sur des contenus transformateurs dont nous sommes porteurs. Par exemple, la campagne du NON à la Constitution Giscard et pour un autre traité avec tout ce que cela implique, doit nous guider dans notre activité parlementaire des mois à venir.

Dernière remarque.
Il n’y a pas de vie parlementaire de nos groupes « en dehors » de la capacité du parti : sa direction, ses militants, ses élus.

J’ai commencé en disant que deux des derniers week-ends faisaient chaud au cœur : une superbe fête de l’Humanité, des résultats positifs aux sénatoriales. C’est la reconnaissance de notre rôle dans la société, « du mieux que nous sentons » depuis quelques mois, des résultats des dernières consultations.
Mais nous connaissons les limites actuelles. Nous disons souvent qu’il nous faut être plus offensifs, plus unis, plus lisibles.

Ce vœu concerne aussi les parlementaires. Nos groupes ne sont pas des juxtapositions d’individualités. Nous avons une diversité humaine, des points de vue divers ; ce doit être une richesse pour conjuguer nos efforts et renforcer nos capacités collectives.

Nicole Borvo Cohen-Seat

Ancienne sénatrice de Paris et présidente du groupe CRC

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