Monsieur le Président de la République,
Au mois de décembre prochain, vous allez effectuer un déplacement officiel en Tunisie à l’occasion du Sommet dit « cinq + cinq » réunissant les Chefs d’État et de gouvernement des pays de l’Ouest de la Méditerranée.
Notre pays a bien évidemment toute sa place dans ce cadre-là et ce, d’autant plus s’il décide de saisir cette opportunité pour rappeler son attachement au respect des principes liés à l’exigence de démocratie.
A cet égard, nous souhaitons appeler votre attention sur la question essentielle des droits de l’homme en Tunisie dont le respect est loin d’être effectif.
Vous n’êtes pas sans savoir en effet, Monsieur le Président de la République, que les atteintes aux droits de l’homme et aux libertés sont fréquentes dans ce pays et qu’elles visent principalement les défenseurs des droits humains, tant les avocats qui défendent les prisonniers que ceux qui créent des associations de défense des droits de l’homme, ceci dans le but principal de les isoler et de les désespérer.
Ceux-ci font ainsi l’objet de harcèlement, de violences, de manœuvres d’intimidation systématique de toute sorte : écoutes et coupures des lignes téléphoniques et des liaisons Internet, surveillance de leur domicile, de leur courrier, des cabinets d’avocats, agressions physiques, sans compter les arrestations arbitraires et les mauvais traitements. Le tout sous le regard d’une justice instrumentalisée et d’une presse muselée.
Permettez-nous d’évoquer en l’espèce le cas désespéré – qui est malheureusement loin d’être unique - de Madame Radhia NASRAOUI, avocate tunisienne qui - pour dénoncer le harcèlement et les violences policières dont elle est l’objet ainsi que sa famille, ses proches et même ses clients - observe depuis plus de trois semaines une grève de la faim. Son état de santé qui s’est aggravé - elle souffre désormais de troubles du sommeil et de la mémoire - nous préoccupe au plus haut point.
On le voit, la Tunisie continue ainsi de violer, de façon délibérée, les traités internationaux relatifs aux droits humains qu’elle a pourtant ratifiés, ainsi que la Constitution et la législation tunisiennes.
Nous souhaiterions, par conséquent, qu’à l’occasion du Sommet prévu dans ce pays, la France prenne l’initiative, par votre voix Monsieur le Président de la République, de poser très clairement la question des droits de l’homme en Tunisie.
C’est d’autant plus indispensable que, par ailleurs, la capitale tunisienne a été désignée pour accueillir en 2005 la seconde partie du Sommet mondial sur la société de l’information.
Alors que la Tunisie continue de bafouer, sur son sol et en toute impunité, la liberté d’expression et de communication de ses ressortissants, le fait qu’elle ait été choisie pour un tel événement - dont l’objectif est précisément de promouvoir une société de l’information fondée notamment sur les principes de la Déclaration universelle des droits de l’homme – nous apparaît difficilement concevable.
Dans ces conditions, nous estimons qu’il est capital que lors de votre déplacement, Monsieur le Président de la République, vous rappeliez aux autorités tunisiennes combien les Tunisiennes et les Tunisiennes désirent mener une existence plus libre, dans le respect de la dignité humaine et des droits les plus élémentaires.
Il en va de la crédibilité et de l’image de la Tunisie partout dans le monde.
L’ensemble des démocrates tunisiens – tant les militants que ceux issus de la société civile – attendent en ce domaine beaucoup de notre pays et, au-delà, de ses partenaires européens, et ne comprendraient pas en conséquence que la France reste muette à ce sujet.
Nous vous prions d’agréer, Monsieur le Président de la République, l’expression de notre considération distinguée.
Réponse du Directeur de Cabinet de la Présidence de la République (16 décembre 2003) :
Monsieur le Sénateur,
Par lettre en date du 6 novembre 2003, vous avez bien voulu appeler l’attention du Président de la République sur la situation des droits de l’homme en Tunisie, et plus particulièrement sur celle de Maître Radhia Nasraoui. Le Chef de l’Etat vous en remercie et m’a demandé de vous répondre.
Le Président de la République a rappelé, au cours de son récent déplacement en Tunisie, que les droits de l’homme forment un tout indivisible. Ce thème est régulièrement abordé dans nos discussions avec les autorités tunisiennes, auprès desquelles
nous soulignons la nécessité de compléter les progrès remarquables réalisés par la Tunisie sur le plan économique et social par des avancées en matière de libertés publiques et de renforcement de l’Etat de droit, dans la logique du rappeochement continu entrepris avec l’Union européenne.
S’agissant de Maître Radhia Nasraoui, sa situation a été suivie avec la plus grande attention par les autorités françaises. Lors de sa visite d’Etat, le Président de la République l’a lui-même évoquée avec le Président Ben Ali. Parallèlement, des contacts ont été établis avec son comité de soutien ainsi qu’avec la Ligue tunisienne des droits de l’homme et l’Association tunisienne des femmes démocrates. Nous avons pris connaissance avec satisfaction de la fin de sa grève de la faim le 10 décembre.
Je vous prie d’agréer, Monsieur le Sénateur, l’expression de ma considération dfistinguée.