Défense du droit aux études pour les étudiants tunisiens

Publié le 6 avril 2004 à 17:03 Mise à jour le 8 avril 2015

Robert Bret appelle l’attention de l’Ambassadeur de Tunisie en France sur la situation de plusieurs étudiants qui observent une grève de la faim pour défendre leur droit aux études

Monsieur l’Ambassadeur,

En ma qualité de membre du groupe d’amitié France-Tunisie du Sénat, je souhaite appeler votre attention sur la situation de plusieurs étudiants qui, interdits d’études à l’université tunisienne, observent une grève de la faim pour défendre leur droit à l’enseignement.

Ils sont nombreux, en effet, à exiger leur inscription immédiate et sans conditions à l’université et pour ceux qui ont été renvoyés en raison de leurs activités syndicales et politiques, leur réintégration dans leur université.

Je pense qu’il serait profitable à l’image de la Tunisie dans le monde que le pouvoir tunisien accorde à ses ressortissants ce droit fondamental, garanti par les différents pactes et conventions internationaux, que constitue l’accès à l’enseignement d’une part et, d’autre part, que les libertés fondamentales au sein de l’espace universitaire en Tunisie soient respectées.

En vous remerciant par avance de l’intérêt que vous voudrez bien porter à la présente, je vous prie de croire, Monsieur l’Ambassadeur, à l’assurance de ma considération distinguée.

Réponse de Jamil CHAKER,
Conseiller du Ministre de l’Enseignement Supérieur,
De la Recherche Scientifique et de la Technologie (08/04/04) :

Monsieur le Sénateur,

En réponse à votre courrier du 6 avril 2004 adressé à M. l’ambassadeur de Tunisie en France concernant la situation de certains étudiants tunisiens, M. le Ministre de l’Enseignement Supérieur, de la Recherche Scientifique et de la Technologie m’a chargé de vous rassurer quant au droit inaliénable de tous les Tunisiens à l’éducation et à l’université. Comme vous le savez, il s’agit là d’un principe fondamental de l’approche tunisienne du développement et des droits de l’homme. Il n’y a donc pas en Tunisie ce que certains médias appellent : « Interdits d’étudier en Tunisie ».

Ce commentaire est choquant, s’agissant de la Tunisie dont le taux de scolarisation universitaire (actuellement de 31,7%) atteindra 50% en 2009, pourcentage des pays les plus développés. Nous serions heureux de vous fournir davantage d’information quant à la stratégie tunisienne en matière d’enseignement supérieur qui ne se contente plus de la démocratisation de l’université, mais s’attache à encrer la culture de la réussite, de la formation tout au long de la vie, pour que nos jeunes apprenants aient un diplôme supérieur adapté à leurs aptitudes et à la mesure de leurs ambitions. C’est dans le même esprit que l’Etat tunisien favorise le retour à l’université (8000 étudiants ont été réintégrés, leur taux de réussite est de 48%).

Néanmoins, la démocratie n’est pas synonyme d’anarchie. Nos universités sont, comme toutes les universités du monde, pourvues de leurs règlements et de leurs instances académiques et disciplinaires.

Un étudiant qui transgresse les lois et l’éthique de l’université est puni. Ses comportements abusifs sont observés par son institution, et il est traduit et sanctionné par le Conseil de discipline du même établissement.

Pourquoi voulez-vous qu’un étudiant qui commet une fraude à l’examen, qui agresse l’enseignant qui l’a surpris en flagrant délit, ne soit pas sanctionné en conséquence ?

Telles sont précisément les deux raisons pour lesquelles l’étudiant Ziad Kacem dont vous évoquez le cas, a été puni. Le Conseil de discipline de sa faculté de lettres de Sousse a décidé son exclusion.

Il est vrai que l’étudiant en question a fait cette année une grève de la faim pour exercer une pression sur son institution. Mais, dès lors qu’il a décidé de confier son dossier à l’UGET (Union Générale des Etudiants de Tunisie), son problème a été résolu et il va s’inscrire à la faculté de lettres de la Manouba et passera certainement les examens de fin d’année. Sa grève de la faim, entamée dans un esprit de pression et à des fins politiques, puisqu’il a été initialement manipulé par des groupuscules extrémistes, a aussitôt été abandonnée.

Quant aux autres étudiants qui ont voulu le soutenir (Kamel Amroussia, Anis Ben Fraj, ZAtef Ben Salem et Nizar Othmani), ils ont, à leur tour été traduits devant le Conseil de discipline de leur établissement pour leurs actes de violence et les insultes qu’ils ont proférées. Mais, ce n’est pas parce que telle institution les renvoie, qu’ils sont irréversiblement privés de leurs droits aux études. Il y a actuellement en Tunisie plus de 150 institutions universitaires et les possibilités de réinsertion sont réelles. Il faut néanmoins que l’étudiant sanctionné manifeste l’humilité de reconnaissance de son tort et corrige son comportement, en se conformant aux valeurs de l’université.

Aujourd’hui, ces étudiants ont sollicité au ministre l’allègement de la sanction. Comme l’enseignement supérieur est chez nous décentralisé et la décision de leur réintégration ne peut être prise que par les autorités académiques et non politiques, le ministre a transmis leurs requêtes aux universités. Les recteurs m’ont informé ce matin que ces étudiants qui ont fini par accepter la voie de la discipline et de la négociation (en confiant leurs dossiers à l’UGET), seront sans doute inscrits dans d’autres établissements.

Il est très grave et particulièrement préjudiciable à nos universités qu’elles ne veillent pas à l’application de leur éthique la plus élémentaire : le respect de l’enseignant, du règlement de l’examen, le renoncement à la violence physique et verbale et le recours aux instances universitaires disponibles (y compris les mécanismes syndicaux) pour la solution des problèmes.

Le ministère coopère avec le syndicat des étudiants. L’UGET intervient efficacement auprès des présidents d’universités et des doyens pour tenter de résoudre leurs problèmes. Plusieurs dossiers ont connu des dénouements heureux grâce à ce processus de négociation syndicale.

En vous remerciant de l’intérêt que vous portez au retour à l’université qui est l’un des axes de la politique tunisienne en matière d’enseignement supérieur, et tout en restant à votre disposition pour des informations supplémentaires, je vous prie, Monsieur le Sénateur, d’agréer l’expression de ma haute considération.

Robert Bret

Ancien sénateur des Bouches-du-Rhône
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