Criminalité organisée : la justice en danger !

Publié le 20 janvier 2004 à 12:27 Mise à jour le 8 avril 2015

Intervention de Nicole Borvo lors d’une conférence de presse commune donnée par les partis, syndicats et associations signataires d’un « appel unitaire pour un moratoire sur le projet de loi relatif à la criminalité organisée »

Mesdames, Messieurs,

Nous sommes ici réunis pour nous exprimer devant la presse.
Quelques mots au nom du groupe communiste républicain et citoyen au Sénat :
Le 7 janvier dernier, une réunion de travail réunissait une dizaine d’organisations, dans cette même salle, à notre proposition.

Nous avons convenu ensemble que l’heure était à une relance du combat pour les valeurs de justice, mise en danger par la vague de textes législatifs et les pratiques gouvernementales de plus en plus autoritaires.

Après débat, rencontres et concertations, un texte a été adopté le 13 janvier sous le titre « appel unitaire pour un moratoire sur le projet de loi relatif à la criminalité organisée ».
Cet appel est représentatif d’un vaste secteur de l’opinion publique dans sa diversité.
Il converge avec les prises de position professionnelles de la magistrature et des barreaux.

La presse française nationale et régionale y fait un large écho.
Il est, nous l’espérons, annonciateur d’un vaste combat.
Ce qui se passe en France actuellement en matière de justice est en effet dangereux, très dangereux pour les libertés et les principes du droit, tel qu’il s’est historiquement constitué chez nous et en Europe.
On le voit avec le « plaider coupable » et la « peine automatique ».
Il s’agit bien d’un renversement de principe. Un projet de société autoritaire cherche à se frayer un chemin.

Les texte législatifs en cours se complètement à la perfection. Durcissement du droit pénal, stigmatisant notamment les populations les plus fragilisées : jeunes, SDF, étrangers, prostituées. Renforcement de la répression des mineurs. Relance de la construction de prisons. Regroupement des condamnés en fonction de leur dangerosité. Retour en arrière en ce qui concerne les mesures emblématiques de la loi sur la présomption d’innocence ; etc..
Il s’agit d’une politique mettant l’accent sur la répression sans aucun traitement social de fond de la délinquance alors que l’on sait que la délinquance prend racine dans l’aggravation des inégalités sociales : avec d’un côté la marginalisation, la précarisation, la dégradation de l’habitat, l’échec scolaire, la mal-vie, et de l’autre l’accumulation des richesses.
C’est à bon droit que nous lançons un cri d’alarme.

Comme le dit l’appel unitaire : avec la nouvelle procédure de « plaider coupable » un bouleversement total de notre système pénal se trouve mis en place.
Les droits de la défense, la présomption d’innocence, les droits des personnes en garde à vue, ou le droit à un procès équitable sont gravement mis en cause.
Le Parlement en trois ans, se contredit complètement et tourne le dos à ses analyses unanimes de l’an 2000.

D’où notre constat :
Une pause législative est nécessaire car l’empilement des textes pénaux et la multiplication du nombre d’infractions rendent l’application de la loi pénale de plus en plus complexe pour les professionnels, et de plus en plus incompréhensible pour les usagers de la justice.

Le débat doit être réouvert dans le pays. L’opinion publique, les professionnels de la justice, avocat, magistrats, personnels de l’administration pénitentiaire et de la PJJ, travailleurs sociaux, avocats, fonctionnaires e police, représentants de la communauté scientifique et du monde associatif, doivent être entendus.
Pour conclure ceci.

Le gouvernement devrait prendre garde.
Le combat pour les libertés en France a une longue histoire.
Et aucun pouvoir qui s’y est attaqué n’en n’est sorti indemne.

Nicole Borvo Cohen-Seat

Ancienne sénatrice de Paris et présidente du groupe CRC

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