En queue du bien nommé "paquet fiscal", projet de loi qui octroie 14 milliards de cadeaux aux contribuables les plus aisés, quelques articles, examinés à la hussarde dans la nuit de vendredi à samedi, entérinent l’expérimentation du RSA (Revenu de solidarité Active) pour un montant de 25 millions d’euros.
En mettant de tels chiffres en parallèle, on mesure bien de qui se soucie ce gouvernement.
Mais, bien plus encore, c’est la logique qui sous-tend ce dispositif qui est éminemment condamnable. Non pas que le principe même du RSA de M. Martin Hirsch - même s’il comporte des effets pervers - ne relève d’une bonne intention : améliorer le revenu des titulaires de minima sociaux qui retournent à l’emploi.
La réalité, que je n’ai de cesse de dénoncer, depuis 2005, c’est la volonté du gouvernement de niveler par le bas, jusqueà les supprimer, les 10 minima sociaux que compte notre système solidaire. A l’époque, M. de Villepin, désireux de "maîtriser nos dépenses publiques" et d’"améliorer les procédures de contrôle", selon les termes de sa lettre de mission, avait confié une étude aux présidents des Conseils généraux du Rhône et de l’Yonne. Avec zèle, ceux-ci concluaient qu’il fallait fusionner le RMI et l’API (Allocation de Parent Isolé), voire même l’ASS (Allocation Spécifique de Solidarité) en une allocation unique baptisée AUI (Allocation Unique d’Insertion) et en confier la gestion aux Conseils généraux.
Le gouvernement actuel va encore plus loin en se saisissant du RSA de M. Hirsch pour offrir aux entreprises une plus grande flexibilité dans la gestion de la main-d’œuvre. C’est une véritable subvention aux bas salaires qui s’inscrit dans une stratégie de baisse des coûts de production. Nombreux sont d’ailleurs les économistes qui font cette analyse.
La droite sénatoriale en rajoute, avec un amendement scélérat qui intègre dans le RSA les droits connexes et les prestations extralégales telles que les aides communales aux transports, aux cantines scolaires... pour réduire d’autant le montant du RSA versé. C’est la chasse aux aides spécifiques qui s’organise, avec la poursuite d’une honteuse stigmatisation des fraudeurs potentiels que certains départements ont déjà largement mise en place. Comble du mépris : personne, durant l’examen de ce texte, n’a été capable de me dire combien percevrait un titulaire du RSA !
Et pour cause : chaque département aura sa liberté de barème et l’on s’achemine ainsi vers une atteinte sans précédent au droit fondamental à la solidarité nationale, avec autant de différents niveaux de prestation qu’il y a de Conseils généraux !
J’ai donc voté contre ces articles qui, sous couvert d’expérimenter le RSA, donnent bonne conscience à certains et à d’autres les mains libres pour asservir plus encore les travailleurs pauvres.
Ainsi, l’on se dirige vers une multiplication des emplois dégradés, une flexibilité extrême, où l’on verra, par exemple, les titulaires du RSA travailler la nuit, le dimanche, faire quelques heures de remplacement notamment dans le secteur des services à la personne, avec des contrats plus que précaires et une rémunération de misère. C’est le modèle anglo-saxon, ou encore espagnol, pays dans lequel le chômage est au plus bas depuis trente ans... et qui détient le record de 31,85 % de contrats temporaires !
Mon analyse, que personne n’a sérieusement contestée au Sénat, est corroborée par le très officiel Office Français des Conjonctures Economiques qui, dans une note datant de vendredi dernier affirme que "... s’ils [les RMIstes] prenaient des emplois à temps très partiel rendus acceptables pour eux, le nombre des travailleurs pauvres risquerait d’augmenter. Veut-on inciter les entreprises à proposer ces emplois qui leur assurent une grande flexibilité dans la gestion de la main-d’œuvre ? Il conviendrait au contraire de pénaliser l’emploi excessif du temps partiel par les entreprise." Et de conclure : "Mais si les pénalités étaient réellement dissuasives, le RSA n’aurait plus d’utilité".
Des solutions existent donc mais ce gouvernement, qui sert le MEDEF et les grandes fortunes, n’en veut pas.
Avec tous ceux qui luttent pour les droits des salariés à une vie décente, pour une amélioration de la situation des familles les plus démunies, j’affirme que la pauvreté ne saurait être éradiquée sans une politique de l’emploi et des revenus. A commencer par une hausse significative du montant du SMIC.
Ce sont ces choix-là que je continuerai de défendre, face à une droite plus hautaine et méprisante que jamais.